Une filiation idéologique qui n’est guère étonnante, mais qui n’en reste pas moins inquiétante pour les premiers concernés : les exilés sans-papiers. Le ministre de l’Intérieur, « très proche » de l’idéologie raciste du groupuscule Némésis et trouvant « honteux » que la gauche se réjouisse du décès de Jean-Marie le Pen, Bruno Retailleau a annoncé la modification de la circulaire Valls, du nom de l’actuel ministre des Outre-mer – et notamment auteur de la saillie raciste « Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos », lors d’une visite d’Évry, en Essonne, sous le gouvernement Hollande.
Cette dernière est utilisée par les préfectures pour régulariser – par le travail ou pour motif familial – plus de 30 000 sans-papiers, chaque année. Mise en place en 2012, elle permet ainsi à un exilé en situation irrégulière de demander une « admission exceptionnelle au séjour » pour motif familial, économique ou étudiant, à une préfecture.
« Elle doit demeurer une voie exceptionnelle »
Bruno Retailleau a décidé de durcir le texte, notamment sur le volet de la régularisation. « La voie d’admission exceptionnelle au séjour (AES) n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour, a-t-il lancé, à travers une circulaire de trois pages adressée aux préfets et révélée par le Figaro. Visant des étrangers en situation irrégulière, elle doit demeurer une voie exceptionnelle. » Le ministre de l’Intérieur doit présenter cette nouvelle circulaire, annonce d’un durcissement des régularisations, déjà réalisées au compte-goutte, lors d’une conférence de presse organisée à Versailles (Yvelines), vendredi 24 janvier, dans l’après-midi.
Son projet politique est clair, et annoncé tel quel au sein de la circulaire : « La maîtrise des flux migratoires, en particulier par la lutte contre l’immigration irrégulière, et le renforcement de l’intégration des étrangers en France constituent les priorités du gouvernement. » Bruno Retailleau poursuit ainsi son entreprise de radicalisation – appuyée par un camp macroniste qui lui laisse les mains libres – en s’inscrivant dans les thématiques chères à l’extrême droite.
Tenant d’une ligne raciste et autoritaire, l’ancien sénateur républicain a répété, au cours de ces dernières semaines, son intention de revoir la circulaire Valls, déjà restrictive en créant une sélectivité au sein des exilés et en érigeant en totem « l’intégration » de ces derniers.
Des patrons qui peinent à recruter et veulent régulariser des employés, des étudiants qu’une université veut conserver… Si la circulaire Valls permet, en théorie, à un exilé en situation irrégulière d’arranger sa situation, les préfectures n’ont aucune obligation. Elles peuvent ainsi refuser d’accéder à une demande, quelle que soit la justification. Si la circulaire Retailleau ne change pas, à proprement parler, les critères pour obtenir cette « admission exceptionnelle au séjour », elle demande clairement aux préfets de serrer – une nouvelle fois – la vis en matière de régularisation.
Une présence d’au moins sept ans
Bruno Retailleau insiste notamment sur l’adhésion de « l’étranger sans papiers » aux « principes de la République ». Comprendre ici : la laïcité, la maîtrise de la langue française, l’obtention d’un diplôme français. De plus, la circulaire rédigée par le ministre de l’Intérieur spécifie que les demandeurs jugés comme étant des « menaces à l’ordre public » sont exclus. Soit une continuation implicite de son acharnement en faveur du rétablissement de la double peine.
Enfin, pour être admissible, un travailleur sans-papiers doit en théorie vivre depuis au moins trois ans en France et justifier d’au moins deux ans de travail. Dans la nouvelle circulaire, ce laps de temps est rallongé : « Une durée de présence d’au moins sept ans constitue l’un des indices d’intégration pertinent. » Si cette circulaire ne modifie pas les autres modes de régularisation établies par la loi, elle doit servir de cadre pour les préfectures, qui auront donc à leur disposition un nouveau bagage de motifs de refus. De quoi donner une marge de manœuvre toujours plus importante afin de ne pas accepter des dossiers de candidature.
En 2023, la circulaire a permis à 34 724 demandeurs d’obtenir des papiers – 11 525 au titre du travail, 22 167 pour motif familial, et un millier sous statut d’étudiant -, selon les données du ministère de l’Intérieur. Soit seulement une hausse de 0.3 % par rapport à 2022. L’actualisation de la liste des métiers en tension dans lesquels les travailleurs sans-papiers peuvent être régularisés doit, quant à elle, être publiée « fin février », a annoncé la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, dimanche 19 janvier. Pour rappel, cette mise à jour est prévue par la loi immigration promulguée début 2024… et applaudie par l’extrême droite, le Rassemblement national en tête.
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