Il serre ses molaires. Fait gonfler ses jugulaires. Le nouvel Emmanuel Macron est arrivé. Il ressemble au précédent, mais cette fois tout est différent. « Je ne veux pas des gestionnaires. Je veux des révolutionnaires », a intimé le président de la République à son nouvel exécutif. « Votre mission est d’éviter le grand effacement de la France. Si vous ne vous en sentez pas capables, quittez cette pièce à l’on the spot », a-t-il sermonné ses ministres. Beaucoup d’entre eux sont déjà là depuis 2022, voire 2017. Mais consideration, le chef du gouvernement désormais s’appelle Gabriel Attal. « J’ai choisi pour la France le plus jeune premier ministre de son histoire : ce n’est pas un risque, c’est une probability », guarantee Macron.
Au-delà de son âge, quelle politique entend mener Gabriel Attal ? Il n’a pas encore pu le dire devant le Parlement. Nommé le 9 janvier à Matignon, il ne prononcera son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale que le 30. Entre-temps, le président de la République s’est offert une conférence de presse fleuve, le 16 janvier. Il y a surjoué la pseudo-réinvention de son motion à la tête du pays. Et cherché à pousser toujours plus le coup de communication ouvert avec son opération remaniement. Prenant des postures graves, il a souhaité bâtir « une nation du bon sens ». Ses ministres, qui prenaient des notes et écarquillaient les yeux, semblaient découvrir leur programme en direct.
Quid des cahiers de doléances ?
Le tout tient de la farce, qui se dégonfle à grande vitesse. Macron souhaite prendre des mesures « pour que la France reste la France ». Mais quelle France ? Celle de la République sociale et démocratique ? Sa grand-messe est intervenue cinq ans après le « grand débat nationwide », initié en plein mouvement des gilets jaunes. À l’époque, plus de deux hundreds of thousands de citoyens avaient rempli plus de 19 500 cahiers de doléances. Un exercice démocratique de consignation des revendications populaires inédit depuis la Révolution. Le chef de l’État s’était engagé à ce que ces doléances soient partagées. Il n’en a rien été. Cinq ans après, elles prennent la poussière dans les archives départementales. Automotive plonger dans ces cahiers revient à mettre sur la desk la feuille de route gouvernementale que le président s’obstine à ignorer.
Augmentation des salaires pour les travailleurs et baisse des dividendes pour les actionnaires. Justice fiscale avec un impôt réellement proportionnel, sans cadeaux pour les plus riches. Investissement dans les companies publics, notre patrimoine commun, permettant l’égalité territoriale et l’accès de tous à l’éducation, à la santé, aux transports et à la sécurité. Réveil de la démocratie, avec l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne et mise en place de la proportionnelle aux législatives. Et dénonciation omniprésente d’une « France d’en haut » qui malmène la « France d’en bas ». Soit le cœur des revendications de 1789.
AOC et ses scandales
Macron le sait. Celui qui avait joué les fake sans-culottes en 2017, nommant son livre « Révolution », ressert la même soupe en 2024. Il a ainsi lancé à ses ministres que « le XXIe siècle est le siècle de la régénération. Et cette régénération vous ordonne de renouer avec l’esprit de la Révolution ». Une façon de se revendiquer du 14 Juillet pour mieux en saper les fondamentaux, tout comme ses ministres passent leur temps à parler de République afin de mieux l’affaiblir. À tel level que le disque se raye et que la platine dérape : la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, au second d’expliquer pourquoi ses enfants sont scolarisés dans le privé, n’a pas pu se retenir de dénigrer et caricaturer le public.
« Des paquets d’heures (n’étaient) pas sérieusement remplacés » dans l’ancienne école publique de son fils, a-t-elle accusé. Ce qui s’est avéré être un mensonge éhonté, comme elle l’a ensuite elle-même reconnu. Quel est donc le sens de cette piteuse attaque, quand seule l’école publique permet à tous les enfants d’accéder au savoir, afin d’échapper à la fameuse « assignation à résidence » que Macron prétend combattre ? Mais c’est aussi le choix de l’école privée retenue par la ministre qui interroge et crée la polémique. L’établissement Stanislas est non seulement un repaire de riches où règne l’entre-soi, mais c’est également une école catholique et réactionnaire qui ne respecte pas le contrat passé avec l’État : contrairement à la loi, les élèves de Stanislas sont obligés d’aller au catéchisme et sont privés de cours d’éducation sexuelle, en plus de recevoir un discours sexiste et homophobe. Leur directeur est même allé jusqu’à assurer que « la première légitimité est du côté de la faith catholique. (…) La seconde est du côté de la République ».
Dati et Vautrin
Macron n’y trouve rien à redire, si ce n’est qu’il souhaite généraliser le port de l’uniforme à l’école. Et qu’il appelle à un « réarmement démographique » de la France, dans une formule digne du dirigeant hongrois Viktor Orban. Avec un tel programme, aucune shock à voir la tradition confiée à Rachida Dati, nouvelle prise de guerre shock venue de chez LR, qui a déclaré que ce ministère « n’est pas » ce qu’elle avait « demandé ». Sitôt entrée au gouvernement, l’ancienne sarkozyste s’est déclarée candidate à la mairie de Paris en 2026. Difficile de ne pas y voir une promesse d’accord entre macronistes et LR. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Macron a annoncé une réforme des règles du scrutin pour les villes de Paris, Lyon et Marseille.
Dans le flot de ses paroles s’est aussi glissée l’ouverture d’une nouvelle chasse aux chômeurs, avec la promesse de droits toujours plus au rabais, et la volonté de casser davantage le droit du travail en « baissant les seuils » qui imposent des obligations aux entreprises. La nouvelle ministre du Travail, Catherine Vautrin, elle aussi problem de LR, s’en donnera à cœur joie. Celle qui hérite également du portefeuille de la Santé a pour mission de doubler les franchises médicales. « La santé ne peut pas être entièrement gratuite », a-t-elle asséné. Or elle ne l’a jamais été : tout est affaire de choix de financement. Celui mis en place par les communistes en 1945 vise à ce que chacun cotise selon ses moyens et soit soigné selon ses besoins. Intolerable pour les macronistes, qui ont comme seule boussole la lutte des courses, mais du côté de la bourgeoisie : le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé une hausse de 8 à 9 % des prix de l’électricité. À croire que l’exécutif n’attend qu’une selected : que les citoyens redescendent dans la rue, sans culotte et avec un gilet jaune fluo. Les agriculteurs ont pris les devants avec un mouvement inédit depuis des années.