Le gendarme de l’énergie s’est enfin décidé à sévir contre un fournisseur d’électricité aux pratiques douteuses. Ohm Énergie a été sanctionné, ce lundi, par le comité de règlement des différends et des sanctions (Cordis) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). La société devra s’acquitter de 6 millions d’euros « pour avoir commis un abus du droit d’accès à l’électricité nucléaire historique (Arenh) au cours des années 2021 et 2022 ».
Le surplus non consommé aurait été revendu sur les marchés
Ce mécanisme de l’Arenh a été mis en place dans le cadre de la libéralisation du marché de l’électricité. Il contraint EDF à céder, chaque année, à bas prix une partie de sa production, provenant de ses centrales nucléaires, à des sociétés concurrentes, à charge pour ces dernières de proposer des offres moins chères que le tarif réglementé. Ohm Énergie a bien acquis auprès de la CRE des volumes de cette électricité peu chère, avec la promesse de démarcher de nouveaux clients… dont il s’est séparé lorsque les prix se sont envolés sur les marchés de gros. Le surplus non consommé aurait été revendu sur les marchés.
S’estimant la cible d’« une stigmatisation constante depuis deux ans », le fournisseur a annoncé, lundi, son intention de demander au Conseil d’État « l’annulation » de cette décision. La société, fondée en 2018 par un entrepreneur français dont les affaires sont domiciliées en Angleterre, avait par ailleurs reçu un « carton rouge » par le médiateur de l’énergie. Dans son dernier rapport annuel, Ohm et deux autres fournisseurs sont épinglés pour leurs pratiques commerciales, car ils « sous-évaluent parfois délibérément le montant des mensualités de leurs clients, avec, au final, des factures de régularisation de plusieurs centaines, voire milliers d’euros ».
Tarifs différés
En janvier 2023, le sénateur et directeur de l’Humanité Fabien Gay avait déjà mis en cause Ohm énergie pour une autre pratique présumée défavorable au consommateur. L’élu du groupe CRCE pointait alors le fait que la société mettait en place pour ses clients et de manière différée de quelques mois, la baisse d’esprit induite par le recours aux volumes d’électricité provenant de l’Arenh dont bénéficiait la compagnie. “La persistance d’offres aux tarifs quatre fois supérieurs à 42 euros le mégawatt/heure (achetés à prix cassés à EDF, ndlr) parmi celles proposées par ces fournisseurs alternatifs interroge nécessairement quant à l’utilisation faite par ces derniers du quota supplémentaire d’ARENH dont ils ont bénéficié, remarquait Fabien Gay. Le problème est d’ailleurs le même pour les quotas d’ARENH dont ils bénéficient au titre de l’année 2023 ; quel circuit justifie qu’un opérateur, qui achète le MWh à 42 euros, puisse le revendre aux particuliers à 166,5 euros ?”
En juillet 2023, la mission d’information “Mieux prévenir et réprimer la fraude à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh)”, dont le sénateur communiste était l’un des deux co-rapporteur, mettait en cause “certains fournisseurs alternatifs (…) soupçonnés d’abus d’Arenh. Ces abus correspondraient aux faits, pour un fournisseur, soit de surévaluer ses droits à l’Arenh, ce qui léserait l’ensemble des consommateurs, soit de ne pas les répercuter, ce qui léserait ses propres consommateurs. Un fournisseur pourrait ainsi procéder à un arbitrage saisonnier : il pourrait maximiser son portefeuille de clients, sur la période d’avril à octobre, afin de bénéficier des droits à l’Arenh, qui sont calculés sur cette période, puis se séparer de ce portefeuille de clients, en augmentant fortement ses prix, pour revendre ses droits à l’Arenh sur les marché.”
C’est exactement ce qu’a sanctionné le gendarme de l’énergie ce lundi. Reste à savoir si l’amende infligée est à la hauteur du préjudice subi par les consommateurs, mais aussi par EDF. L’entreprise publique avait été contrainte par le gouvernement de mettre à disposition 19,5 terawatt-heures supplémentaires d”électricité “Arenh” (prix toujours bradé), à ces concurrents, d’avril à décembre 2022, pour permettre à ces derniers de tenir le choc des tarifs de l’énergie.
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