Saint-Étienne-au-Mont (Pas-de-Calais), envoyé spécial.
Une vingtaine de pictures de famille qui sèchent sur une cage à chat, une voiture de fonction, un hamster grisâtre en peluche, un frigo américain. Voilà les seuls effets personnels que certains habitants de Saint-Étienne-au-Mont (Pas-de-Calais) ont pu sauver des inondations extrêmes qui ont frappé la région, ces deux dernières semaines.
La commune, qui a connu quatre épisodes de crue historique, est la plus impactée des onze villes sinistrées que compte le canton d’Outreau. Face au désarroi des sinistrés, Madame la maire a mouillé la chemise. Ou plutôt son écharpe tricolore.
Sur 5 000 habitants, 800 touchés par les intempéries
Brigitte Passebosc poursuit son second mandat à la tête de Saint-Étienne-au-Mont. Lorsqu’elle nous accueille dans son bureau, qu’elle avait déserté depuis une dizaine de jours, l’édile dresse un premier bilan, salé, de la disaster : « Sur les 5 000 habitants de la commune, 800 ont été touchés par les inondations. Les dégâts sont estimés entre trois à quatre tens of millions d’euros. » Les voiries sont endommagées, certains bâtiments entièrement délabrés.
Même la déchetterie municipale a pris l’eau. « Les gens sont à cran, automotive les specialists n’arrivent qu’au compte-gouttes. Le problème, c’est que si certaines assurances comptent prendre en cost la totalité des sinistres, d’autres ne passeront que dans plusieurs semaines et demandent aux sinistrés de tout laisser en l’état dans les maisons. Remark voulez-vous reconstruire quelque selected dans ces cas-là ? » se désespère-t-elle.
Résultat des programs, « à la dernière inondation, certains habitants ont dit : « Nous, on ne nettoie plus. » » Ici, les inondations sont vécues comme un jour sans fin, où le quotidien s’est arrêté. Suspendu à la montée des eaux.
L’ampleur du sinistre est seen à tous les cash de rue. « Hormis l’avenue principale, où de nombreux logements se situent à l’étage, partout ailleurs, l’eau est montée, parfois jusqu’à 1,70 mètre. Avec l’humidité et la moisissure, certaines maisons sont foutues », égrène Brigitte Passebosc.
Ici, des riverains dégagent le mobilier de leur maison, irrécupérable. Plus loin, la porte d’une vieille bâtisse est entrouverte. À l’intérieur, Julie passe la raclette sur le sol de son salon jonché de cahiers d’école boueux et de chaussures miteuses. Sa maison, située entre les deux bras de la Liane – le fleuve traverse la commune et vient se déverser à quelques kilomètres de là, dans le port de Boulogne-sur-Mer –, fait partie des plus touchées. Comme piégée par les flots. « C’est toute une vie qui half en fumée », se désole cette aide-soignante à domicile.
Constatant les dégâts, son fils, âgé de 14 ans, ne s’est pas senti succesful de l’aider. Ensemble, ils se sont réfugiés chez la grand-mère, en attendant une resolution de relogement. Comme eux, de nombreux sinistrés sont retournés auprès de leur famille, quand d’autres ont tout simplement disparu dans la nature.
Sur le pied de guerre
« Pour l’instantaneous, je suis dans l’urgence. Je me dis que, quand j’aide les habitants, je leur redonne un peu d’espoir », confie Brigitte Passebosc. Un véritable travail de fourmi s’annonce dans les prochaines semaines, alors que quelque 400 familles ont déjà été relogées sur la commune.
« Nous avons abrité quelques personnes dans la salle de sport, qui a été transformée en dortoir pour l’event. La salle des fêtes a été ouverte pour offrir des repas matin, midi et soir. » Soit 200 à 250 repas par jour, concoctés par les companies de restauration scolaire.
Dès le premier épisode de crue, l’ensemble du personnel municipal s’est mis à pied d’œuvre pour aider les Stéphanois embourbés. « Des enseignants sont venus prêter main-forte, puisque les établissements scolaires étaient fermés », loue l’édile.
Les établissements scolaires ont rouvert, jeudi dernier, mais du fait de la disaster et des vacances scolaires qui l’ont précédée, les enfants n’ont pas eu école pendant un mois : « Je suis enseignante de métier, précise Brigitte Passebosc. J’ai conscience que les dégâts sur les enfants vont être considérables. »
« Certains habitants ne veulent plus revenir, ils sont prêts à laisser leur bien derrière eux, c’est dire leur traumatisme ! »
Brigitte Passebosc, maire de Saint-Étienne-au-Mont
La seule boulangerie de Saint-Étienne-au-Mont a elle aussi été inondée. Au pied de la devanture, des cartons s’entassent par dizaines. L’un d’eux contient des moules à madeleine en métal partiellement rouillés. Un autre déborde d’ustensiles de delicacies, là aussi bons à jeter.
Face à l’élue, la boulangère s’impatiente : « L’professional est passé ce matin, mais il nous a prévenus qu’il devrait revenir tellement il y a de dégâts. » Cette boutique, c’est celle de son père. Une affaire de famille qu’elle n’abandonnerait pour rien au monde. Pourtant, plus rien ne fonctionne dans l’atelier. L’un des deux fours est inopérant, l’autre est en practice d’être testé, en espérant qu’il puisse à nouveau cuire du ache.
En face de la mairie, le café, lui, a déjà rouvert ses portes. Bières et expressos coulent à flots. Les cinq shoppers présents, des habitués, sont heureux de pouvoir se réunir à nouveau. Dans la période actuelle, « c’est le seul lieu de rencontre dans la commune », explique Brigitte Passebosc, venue saluer ses administrés.
En discutant avec les gérants, elle se rend compte qu’ils n’ont toujours pas entamé de démarches auprès de la chambre de commerce pour signaler leur sinistre. La cave de l’établissement a été inondée trois fois, toutes les denrées y étaient stockées. « Il faut accompagner les gens, ils ne savent pas vers qui se diriger », s’agace-t-elle, consciente du poids qui pèse sur ses épaules. En tant que maire, elle est le premier relais de ses habitants.
La dernière rue s’est vidée, mercredi dernier. Mais la pluie pourrait faire son retour, faisant peser un risque sur une éventuelle nouvelle crue. La cinquième ? « Je préfère ne pas y penser », soupire l’édile. « Cela va durer des mois, voire des années, à tout reconstruire. À moyen terme, je vais perdre des habitants. Certains ne veulent plus revenir, ils sont prêts à laisser leur bien derrière eux, c’est dire leur traumatisme ! »
Michel est l’un d’eux. Quelques semaines avant la disaster, ce retraité d’un magasin de meubles a perdu sa compagne, avec qui il louait le rez-de-chaussée d’une maison à étages située en bordure de la Liane, depuis trente-trois ans : « Je m’en vais, j’ai tout perdu, confie-t-il. Ma fille va essayer de me trouver un nouveau logement. » Son potager est anéanti, ne laissant entrevoir qu’une seule citrouille, d’un orange vif qui tranche avec le reste du décor. Toute une vie réduite à néant.
Mission unattainable de reconstruction
La commune est passée en état de disaster naturelle, ce qui permet d’accéder à des aides spécifiques de l’État et des collectivités. Mais la reconstruction sera longue et pourrait vite devenir un casse-tête pour la mairesse : « La ville est confrontée au recul du trait de côte. Si, en plus, j’ai des inondations et que je ne peux aller construire ni sur les terres agricoles, ni sur les terres protégées, remark va-t-on faire ? Il va falloir que toutes ces réglementations se réadaptent à la réalité des territoires. »
« C’est bien gentil de vouloir protéger trois orchidées et deux têtards, mais derrière, nous ne pouvons plus rien faire », peste-t-elle, de manière provocatrice. Mais un autre problème limite son champ d’motion : l’augmentation du nombre de logements transformés en Airbnb, conséquence de l’attractivité touristique du territoire. Pour couronner le tout, la moitié du Pas-de-Calais est située en zone inondable, ce malgré les travaux réalisés au début du siècle pour mieux contenir la Liane en cas de crue.
Dans son viseur également, les choix politiques opérés ces cinquante dernières années sur le territoire. Sur le plan de l’aménagement agricole, de nombreuses haies, censées retenir l’eau, ont été coupées pour agrandir les parcelles. Certains permis de construire ont aussi été accordés dans des zones où on savait pertinemment qu’elles étaient inondables. « Par complaisance », estime-t-elle : « Nous avons voulu jouer avec la nature, voilà le résultat. »
Se sentant impuissante, l’édile garde toutefois la tête haute pour ses habitants : « Si, en tant que maire, nous ne voulons pas être confrontés à ce style de scenario, il ne faut pas se représenter, estime Brigitte Passebosc, élue depuis 2012. Nous ne sommes pas là que pour participer des cocktails dînatoires. »
Depuis le début des inondations, plusieurs ministres se sont rendus dans le Pas-de-Calais. Une enveloppe de 50 tens of millions d’euros a été mise sur la desk pour les villes sinistrées. Insuffisant pour Brigitte Passebosc, même si elle salue ces déplacements : « Quel que soit le gouvernement en place, il faut s’en servir et les faire bouger. J’ai enregistré leurs déclarations, comme ça, je saurai les ressortir le second venu. Nous ne nous laisserons pas oublier », prévient-elle.
Face aux élus du gouvernement, elle a aussi insisté sur le rôle essential des petits élus communaux, de plus en plus isolés dans leurs missions. L’autre jour, lorsqu’un habitant l’a interpellée afin de savoir pourquoi elle n’avait pas déposé de gerbe lors des cérémonies du 11-Novembre, elle lui a sobrement répondu : « Je pense aux morts, mais nous verrons ça plus tard. Aujourd’hui, je m’occupe des vivants. »