Ce ne sont que quelques poignées de terre qui font leur entrée au Panthéon. Prélevées au cimetière de Bossey (Haute-Savoie) et déposées dans un cercueil. La dépouille de Geneviève de Gaulle-Anthonioz repose toujours, aux côtés de son mari, dans le village savoyard.
« Elle n’aurait probablement pas apprécié sa propre panthéonisation étant donné son caractère humble et discret », estime l’historienne Frédérique Neau-Dufour, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Sa descendance n’a d’ailleurs pas souhaité que son corps soit exhumé et déplacé à Paris.
Un symbole fort du rôle des femmes dans la résistance
Mais qu’importe, François Hollande, en ce 27 mai 2015, a décidé de faire entrer quatre résistants au Panthéon. Deux hommes, après Félix Éboué en 1949, Jean Moulin en 1964, René Cassin en 1987, Jean Monnet en 1988 et André Malraux en 1996. Et deux femmes, les toutes premières résistantes à accéder au temple républicain.
Avec le radical Jean Zay et le socialiste Pierre Brossolette, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz viennent ainsi représenter et symboliser la part considérable prise par les femmes dans la résistance contre Vichy et les nazis.
Le président de la République estime alors avoir fait entrer au Panthéon la Résistance dans toutes ses composantes politiques. Il en manque pourtant une, et de taille : les portes du temple restent closes aux communistes, qui comptent pourtant le plus grand nombre de fusillés…
Mais François Hollande reste sourd aux appels à panthéoniser Missak Manouchian et Marie-Claude Vaillant-Couturier, y compris lorsque l’artiste Ernest Pignon-Ernest, chargé de dessiner quatre gigantesques portraits des quatre résistants honorés, lui souffle qu’il a aussi réalisé celui de Manouchian (qui entrera finalement en 2024).
Elle commence à résister dès le discours de Pétain le 17 juin 1940
Malgré ce manque béant, la cérémonie fut digne. Et à la hauteur du parcours de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. En 1940, elle vit à Rennes, sort de chez elle, arrache un drapeau avec une croix gammée accroché à un pont. « Elle a une réaction épidermique, immédiate et instinctive lorsqu’elle entend l’appel de Pétain, le 17 juin, et commence à résister dès ce moment-ci », cela alors qu’elle est encore étudiante et n’a que 20 ans, raconte Frédérique Neau-Dufour.
La jeune fille rejoint sa tante à Paris, et elles diffusent ensemble des photos du général de Gaulle, son oncle, dont elle « n’est pas dépendante, mais tous deux ont une admiration réciproque pour leur engagement », détaille l’historienne.
La jeune femme participe aussi à la diffusion du journal clandestin Défense de la France. Selon l’historienne, elle était, à l’époque, l’unique femme à y avoir anonymement signé des articles. Dénoncée et arrêtée par la Gestapo, elle est déportée en février 1944 dans le camp allemand de Ravensbrück.
« Dois-je me préparer à mourir ? »
Humiliée, affamée et battue, elle témoigne de l’horreur dans son ouvrage la Traversée de la nuit et raconte s’être ainsi interrogée, durant l’épreuve : « Dois-je me préparer à mourir ? » Placée à l’isolement, dont quatre mois dans un bunker sans lumière, la nièce de Charles de Gaulle sert de monnaie d’échange et ne sort de Ravensbrück qu’avec l’aide de tractations de la Croix-Rouge internationale, en février 1945.
Après sa libération, la vision du camp lui réapparaît alors qu’elle se trouve bien loin des terres allemandes. Dans le bidonville de Noisy-le-Grand, un aumônier, Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart Monde, lui montre ce qu’est l’extrême pauvreté.
Même réaction viscérale que pour l’horreur des camps. « Elle racontait toujours : ”Pour les 250 familles qui vivaient à cet endroit, j’ai ressenti la même inhumanité que ce que j’ai vécu à Ravensbrück” », se souvient Marie-Aleth Grard, la présidente actuelle du mouvement.
La première femme à recevoir la grand-croix de la Légion d’honneur
Alors, Geneviève de Gaulle-Anthonioz entre en résistance à nouveau, contre la pauvreté cette fois, et quitte son poste au cabinet d’André Malraux, à l’époque ministre des Affaires culturelles. Elle s’engage à ATD Quart Monde, dont elle préside la branche française de 1964 à 1998.
« Elle n’a pas ménagé sa peine », conte Marie-Aleth Grard, tantôt en visite dans les campements de fortune tantôt en intervention à l’Assemblée nationale pour défendre la loi « d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion », promulguée en juillet 1998. Cette même année, elle est la première femme qui se voit remettre la grand-croix de la Légion d’honneur.
En décembre 1999, elle assiste à la remise de cette même distinction à son amie résistante Germaine Tillion, avec qui elle a été déportée à Ravensbrück. Elle prononce un discours à son intention : « Il y a une autre chose que tu nous as apprise, (…) c’est la reconnaissance de la valeur et de la dignité de chaque être humain. » Cela sans savoir que, seize ans après, elles seront toutes deux honorées ensemble au Panthéon.
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