Fin 2024, Cyrielle Chatelain a profité des congés parlementaires pour faire du tri à la maison, jusqu’à tomber sur une pile de vieux journaux dont « certains ont bien vingt ans ». « Ça fait donc au moins vingt ans que la gauche n’a pas bougé. On a toujours les mêmes débats », se désole la présidente du groupe Écologiste et social à l’Assemblée.
Faut-il refuser toute entorse à son programme pour éviter les compromissions ou essayer d’arracher au libéralisme quelques petites victoires ? C’est toujours en ces termes que la discussion – des plus houleuses en ce moment, il est vrai – continue de se faire à gauche. C’est ainsi que le débat s’est posé au moment de censurer ou non le gouvernement de François Bayrou, les insoumis s’arc-boutant sur la première option et les socialistes choisissant, solitaires, la seconde. S’ils ont voté la censure, communistes et écologistes ont, eux, annoncé vouloir continuer de négocier avec l’exécutif sur les budgets.
« Le Parti socialiste, à l’évidence, n’est plus partenaire »
Depuis jeudi 16 janvier et le choix de la majorité du groupe PS (58 sur 66 députés) de ne pas faire tomber le gouvernement, le ton est encore monté d’un cran au sein du Nouveau Front populaire (NFP). « Le Parti socialiste, à l’évidence, n’est plus partenaire. C’est un allié, et encore de circonstance, a affirmé Jean-Luc Mélenchon sur RTL. S’ils votent le budget et ne votent pas la censure du 49.3, on pourra dire que les socialistes ont rompu l’union. » Son mouvement tente d’imposer sa lecture de la situation en définissant les critères d’appartenance au NFP.
« La censure, c’est ce qui distingue la majorité de l’opposition », assure Jean-Luc Mélenchon. Et ne pas l’avoir votée signifierait s’exclure de la coalition. D’autant que, selon le coordinateur de la FI, Manuel Bompard, le PS n’a obtenu de François Bayrou « aucun infléchissement et aucune modification de la politique ». C’est, pour lui, « le retour de la gauche du reniement qui abandonne ses engagements devant le peuple ».
« Si, à chaque désaccord, Jean-Luc Mélenchon organise une purge, il finira tout seul », rétorque Olivier Faure dans la Dépêche du Midi. Et le premier secrétaire du parti à la rose d’ajouter que, « le NFP, ce n’est pas un parti unique mais une coalition. Notre liberté est de nous définir par nous-mêmes ».
D’après la porte-parole du PS Chloé Ridel, les socialistes doivent « conserver un cap clair », celui du « rassemblement de la gauche pour transformer radicalement la société ». Une orientation qui ne fait pas l’unanimité au sein du PS, où des voix préparent la rupture avec la FI.
En 2027, « deux offres à gauche », selon François Hollande
Dans la Tribune dimanche, François Hollande, ex-président de la République et actuel député, la joue offensif, estimant par ailleurs que « les socialistes constituent un pôle central à l’Assemblée nationale ». « C’en est fini de la position irrespectueuse et arrogante de la FI au sein du NFP, tacle-t-il. L’alliance électorale a été précieuse en juin dernier et ne peut être instrumentalisée au service d’une seule personne et d’une seule famille politique. » François Hollande assure qu’il y aura, en 2027, « deux offres à gauche ».
Las d’être pris en sandwich entre les ambitions de Jean-Luc Mélenchon et de François Hollande, beaucoup d’élus du NFP, dont certains craignent l’implosion de l’union, appellent à faire descendre la pression. « Tous deux préparent la présidentielle et veulent donc surligner les différences. Ils redessinent le scénario des gauches irréconciliables. Ce qui empêcherait la victoire de la gauche », regrette un parlementaire.
« Il faut que tout le monde redescende ! Les gens en ont marre qu’on s’engueule, qu’on se sépare et qu’on se retrouve »
Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe Écologiste et social à l’Assemblée
Pour le sénateur PCF Ian Brossat, « il est excessif de considérer que le PS doit être exclu du rassemblement car les divergences stratégiques ne doivent pas servir à ériger des digues ». « Les données de l’équation n’ont pas fondamentalement changé : puisque le risque de l’extrême droite existe toujours, le besoin de rassemblement demeure », ajoute-t-il.
« Il faut que tout le monde redescende ! Les gens en ont marre qu’on s’engueule, qu’on se sépare et qu’on se retrouve. Au moins, à droite, ils savent débattre sans claquer la porte », s’agace l’écologiste Cyrielle Chatelain. D’autant que le PS n’écarte pas l’hypothèse de voter, voire de déposer, une motion de censure « à tout moment », d’après Olivier Faure, pour qui « la discussion (avec François Bayrou – NDLR) ne fait que commencer ».
Comme condition de la survie du gouvernement, les socialistes avaient, notamment, exigé que les ministres cessent de chasser sur les terres de l’extrême droite. Ils n’ont visiblement pas tous reçu la consigne, puisque le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau veut « toucher » à l’aide médicale d’État, totem du RN. « Alors, on vous censurera », promet le député PS Arthur Delaporte.
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