Il n’a pas osé son « qui aurait pu prévoir ». Emmanuel Macron est arrivé jeudi 19 décembre à Mayotte, ravagée par le cyclone Chido, mais surtout par l’indigence dans laquelle l’État a laissé vivoter les habitants. « On est tous insécurisés, on est tous psychologiquement à bout ! » lui a lancé une soignante en larmes du Centre hospitalier. Également apostrophé par des citoyens lors d’une réunion au conseil départemental, le président de la République a répété les promesses de nombreux dispositifs et aides d’urgence aux Mahorais.
Sans oublier, selon lui, les villages reculés, toujours coupés du monde et soumis au dénuement le plus total. À Dzoumogné, village défavorisé du Nord, beaucoup ont vu leur vie soufflée en quelques heures, le samedi 14 décembre. « On n’a plus rien, le toit et les murs se sont envolés, raconte Sarah*, qui dort désormais sur le carrelage d’une voisine avec sa fille de 14 ans. Toutes nos affaires sont soit sous la boue, soit elles ont été volées par des gens, des voisins. Ils ont pris nos lits, nos étagères. Qu’est-ce que je peux faire, moi, leur demander de me les rendre, avec mes petits bras ? »
« Il y a tellement de morts »
La nuit, qui tombe à 18 heures toute l’année à Mayotte, c’est le noir complet. L’électricité ne sera pas remise en marche avant « un mois », selon Électricité de Mayotte (EDM), à cause des nombreux câbles arrachés par le cyclone. Et après 18 heures, les groupes de délinquants profitent de la situation pour piller les habitants depuis le début de la semaine. Quant à l’armée, la police et les secours, ils ne se cantonnent pour le moment qu’aux alentours de Mamoudzou et en Petite-Terre. Depuis samedi, on ne sait donc pas si les villageois du Nord, de l’Ouest et du Sud ont encore de l’eau, de la nourriture.
Sarah prévient enfin sur le bilan humain, s’arrêtant entre chaque phrase, même s’il faut aller vite pour économiser la batterie du téléphone. « Il y a eu tellement de morts. Ma meilleure amie… Des gens du quartier que je connaissais bien… Ils sont sous la terre. » Impossibles à dénombrer, ces personnes qui n’auront jamais existé officiellement pourraient être des milliers à avoir été tuées par le cyclone et le mépris de l’État français.
Le ministère chargé des Outre-mer a décrété, ce mercredi 18 décembre, l’état de calamité naturelle exceptionnelle à Mayotte, une décision inédite qui permettra « une plus grande réactivité (…), tout en allégeant certaines procédures administratives ». Par la voix de Fabien Roussel, le PCF a appelé « ses fédérations, ses militants et ses élus à prendre toutes les initiatives possibles pour amplifier la solidarité avec les populations de Mayotte », mais aussi à en « tirer tous les enseignements après la crise ».
Dans une tribune publiée dans le Monde, Yohann Aucante, maître de conférences à l’EHESS, soutient justement que « la reconstruction de Mayotte peut et doit être un projet pilote pour l’avenir de ces terres insulaires (…) face au changement climatique. C’est aussi la condition pour que les nombreux fonctionnaires et expatriés (sic) à Mayotte ne prennent pas directement le chemin de l’exil, laissant l’île en proie au chaos ».
Car, depuis ce week-end, certains Wazungu (métropolitains) s’entassent à l’aéroport pour quitter l’île, ce qui fait enrager les Mahorais. Sur un fichier Excel créé pour recenser les besoins des personnels scolaires, nombreux sont ceux qui demandent un « rapatriement » par les avions militaires, les seuls à pouvoir atterrir sur l’île au lagon.
La carte d’identité pour accéder aux aides
Les autres survivent. « Nous n’allons pas pouvoir nourrir la population », alerte pour l’Humanité le président de la chambre d’agriculture, Saïd Anthoumani, après que Chido a ravagé la luxuriante forêt mahoraise et les nombreuses cultures de fruits et légumes.
Les distributions alimentaires ne sont quant à elles constituées que de deux bouteilles d’eau, une conserve de haricots blancs et une petite boîte de sardines ou de thon, pour une famille. Et chacun doit présenter une carte d’identité, pour éviter les abus.
Malheur à ceux qui n’en ont pas. Partout, la musada (entraide) mahoraise est à l’œuvre pour combler les manques de la France. Comme à Mavadzani ou Dzoumogné, où ceux qui ont encore un toit hébergent les autres. Ou à Pamandzi, en Petite-Terre, où des restaurateurs distribuent des petites barquettes de riz et de sauce aux plus démunis. Autant de signes de la faillite de l’État, lequel n’a jamais été à la hauteur des besoins des Mahorais et devra répondre un jour de ces milliers de personnes qu’il a laissé survivre, puis mourir.
* Le prénom a été changé.
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