L’émotion, puis la consternation. Ce samedi 22 février, une attaque au couteau a ensanglanté le marché de Mulhouse (Haut-Rhin). Une personne ayant tenté de s’interposer a été tuée et sept autres ont été blessées, dont deux grièvement.
Un « acte terroriste islamiste qui ne fait pas de doute », a tout de suite affirmé Emmanuel Macron, prenant à témoin « l’expression du terroriste ». Selon le parquet, l’assaillant aurait en effet crié « Allah Akbar » plusieurs fois. « Le fanatisme a encore frappé et nous sommes en deuil », a réagi le premier ministre, François Bayrou.
Le tueur présumé, Brahim A., a immédiatement été interpellé et placé en garde à vue. Âgé de 37 ans et de nationalité algérienne, le suspect était fiché par les services de prévention du terrorisme et faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Les accords de 1968 dans le viseur
Les services du ministère de l’Intérieur précisent que l’individu, « arrivé illégalement sur le territoire français en 2014 », avait été interpellé fin 2023, peu après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël, puis condamné à six mois de prison pour apologie du terrorisme. Dans ce cadre, il avait fait l’objet d’une expertise « qui avait détecté un profil schizophrène », avant d’être placé dans un centre de rétention administrative, puis assigné à résidence avec une obligation quotidienne de pointer au commissariat.
Trois personnes de son entourage ont également été placées en garde à vue. Une enquête a été ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste, tentative d’assassinats sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
L’affaire soulève un certain nombre d’interrogations légitimes sur le suivi de ce type de profil, condamné et instable psychologiquement – au-delà de la question des OQTF. Mais le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a préféré orienter le débat vers l’Algérie, avec qui les relations diplomatiques sont particulièrement tendues, notamment depuis la mise en détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Invité du journal de 20 heures de TF1, ce samedi, Bruno Retailleau a refusé de reconnaître « des failles particulières » de sécurité sur le sol national. Le seul problème, selon lui, est que l’expulsion n’ait pu être appliquée : « Voilà un individu qui aurait dû être accepté par l’Algérie. À dix reprises, mes services ont relancé le consulat algérien sans que jamais l’Algérie accepte quelqu’un qui était né là-bas. »
Une situation qui, selon lui, impose de « changer de braquet » et donc « d’accepter un rapport de force ». « On a été assez gentil, on a tendu la main… Qu’a-t-on eu en retour ? » a-t-il fait mine de s’interroger. D’où sa volonté, réaffirmée à plusieurs reprises depuis sa prise de fonction, de revenir sur les « accords de 1968 » qui organisent la circulation, l’emploi et le séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France. Le ministre, qui chasse sur les terres de l’extrême droite, dresse de fait un lien entre l’immigration algérienne et l’acte meurtrier de ce samedi.
Les accords de 1968 sont du reste une obsession permanente de la droite, qui y voit un accélérateur de « l’immigration de masse », tel que le décrit une proposition de résolution de novembre 2024 des députés LR. À tort, puisque, comme le rappelle Hocine Zeghbib, maître de conférences en droit public, dans les colonnes du Monde, « la part des Algériens dans l’immigration en France représente 12,2 % » tandis que, par comparaison, « celle des Marocains est de 11,7 %, alors qu’ils ne bénéficient pas d’un accord identique et que leur immigration est plus tardive ».
L’extrême droite sur la même ligne que Beauvau
Ces propos de Bruno Retailleau interviennent dans le cadre d’une offensive plus large et plus ancienne de l’extrême droite contre l’Algérie, incarnée notamment par l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo, en croisade contre les prétendus 800 millions d’euros d’aide au développement que la France verserait chaque année à Alger. Sarah Knafo n’a d’ailleurs pas manqué de se saisir du drame de Mulhouse : « Nous gardons de trop nombreuses bombes sur pattes sur notre sol, faute de savoir nous faire respecter par le reste du monde », a-t-elle affirmé. Marine Le Pen demande, elle, la « rupture des relations diplomatiques avec les pays soutenant les fondamentalistes ».
Dans la même veine anti-immigration, le premier ministre, François Bayrou, a annoncé son intention de réunir ce mercredi un « conseil interministériel de contrôle de l’immigration ». « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il communiqué. Au même moment, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, s’est rapproché des « 19 ambassadeurs des pays où nous avons le plus de difficultés à renvoyer les étrangers en situation irrégulière ». « Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes », a-t-il expliqué, sans nommer, pour le moment, lesdits pays.
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