L’ancien ministre communiste de la Fonction publique (1981-1984) n’a eu de cesse d’œuvrer à une transformation sociale et radicale de la société, cherchant à ce que les citoyens s’emparent de leur destin en liant conquêtes économique, démocratique et sociale. Après avoir été météorologiste, économiste, juge de l’asile, conseiller d’État, ou encore responsable du programme constitutionnel du PCF, il a reçu « l’Humanité » chez lui, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), pour un dialogue sur la crise démocratique en cours, la situation de la gauche, et les modalités futures de la lutte des classes. Bien la mener passe à ses yeux par prendre à bras-le-corps la question des services publics.
Que pensez-vous de la période politique que nous traversons, alors que Macron a fait de la casse sociale son mantra et que l’extrême droite progresse partout dans le monde ?
Elle est brouillonne. Le vrai n’émerge pas d’évidence. Mais c’est une sacrée époque : je crois que dans vingt ans nous dirons qu’elle était particulièrement intéressante, parce qu’elle porte les contradictions très haut, et qu’il y a un gigantesque travail intellectuel à mener sur plusieurs décennies pour en sortir. Avec le macronisme, nous vivons la poursuite d’un fouillis, d’un désordre, et surtout d’un pourrissement qui n’est pas achevé. La dissolution de juin elle-même ne constitue pas un événement, mais une étape de plus dans la phase de décomposition dans laquelle nous sommes depuis la chute des grands paradigmes du XXe siècle.
L’effondrement communisme revendiqué a quelque part masqué ceux qui frappent le néolibéralisme et la social-démocratie, pour qui il y avait nécessité à se reconstruire, mais personne n’a rien fait. Je dis tout cela sans nihilisme, ni pessimisme. Je suis même plutôt optimiste. Mais nous sommes aujourd’hui en bas-empire, et les bas-empires sont toujours des périodes où il se passe des choses surprenantes et significatives.
Je crois que nous n’avons pas encore les clés pour tout décortiquer, ni prévoir quel événement, ou quelle catastrophe, pourra constituer un point de bascule et de renaissance. D’un côté, le capitalisme est de plus en plus tenté d’utiliser le populisme et de s’allier à l’extrême droite pour conserver le pouvoir, quitte à foncer dans le mur.