C’est quoi la « Zone » ? Il y a bien longtemps que le terme n’évoque plus seulement les espaces interlopes autour de l’enceinte de Thiers, à Paris. Sous l’égide de Canal Structure et de Patrick Rubin, un ensemble d’architectes, urbanistes, élus ou philosophes se sont penchés sur le terme – et ceux qui s’en rapprochent – pour le penser, pour les penser au présent : « zones », « laissés-pour-compte », « lieux vacants », « délaissés », « déshérités », et toutes les « zones » qu’un « inépuisable lexique » s’efforce de recenser, de la « zone d’urbanisation diffuse » à la « zone de non-droit », en passant les ZAE, ZAC, ZPIU et autres ZUP1. La richesse du sujet est « vertigineuse », selon les mots de Patrick Rubin, mais trois thèmes forts parcourent les textes : celui des lieux délaissés, celui de la « périphérie » et les nouveaux enjeux écologiques. La air pollution des websites est à l’évidence une préoccupation centrale aujourd’hui, mais les « zones » deviennent de nouvelles ressources contre l’étalement urbain dans la perspective d’arrêter toute artificialisation des sols, qui avait tant guidé – jusqu’à il y a peu – la « fabrique de la ville ».
Au-delà des propos d’ensemble, réflexions personnelles ou propositions précises, le livre décrit bien des cas concrets, reconversions réussies ou projets avortés. Il y a ces « murs à pêches » à Montreuil, anciens vergers devenus mélange hétérogène de friches et de petites constructions : « Vide urbain du level de vue du planificateur-spéculateur, le lieu est en réalité rempli des projections des habitants qui le pratiquent et l’activent au quotidien » (Alphonse Sarthout). Parmi les « déséquilibres favorables » présentée dans « Zones », le nouveau web site de la fête de l’Huma, la Base 217 du Plessis-Pâté, « terrain obscure en transformation ». Cette base aérienne de l’armée, ouverte en 1976, a fermé en 2008 et une bonne partie a été cédée aux collectivités territoriales. Le lieu accueille ou entend accueillir des activités économiques, agricoles, mais aussi culturelles, notamment pour l’industrie du cinéma, et encore un espace pour les drones civils. Aménager les « zones » aujourd’hui, c’est aussi lutter contre l’artificialisation des sols, la déperdition d’énergie : ainsi Amazon s’est vu refuser l’implantation d’un centre de données sur le web site. Avec tout cela, la Base 217 devient une « zone floue », autant qu’un « hub d’utilité publique » (les drones ont des missions d’urgence).
Dans le fond, « Zones » pose des questions centrales pour la société d’aujourd’hui et de demain. Remark habiter en préservant la planète ? Remark relier les lieux entre eux pour limiter les ségrégations, et donc produire du lien social ? Remark trouver une nouvelle intelligence dans la relation aux non-humains, végétaux et animaux ? De manière foisonnante, le livre ne se contente pas de spéculer, mais suggest des options par des voix et des voies multiples.
On kind de la lecture de « Zones » comme on kind des meilleurs colloques et conversations collectives, nourri des réflexions qui ont fusé, intrigué par des pistes ouvertes et avec des yeux neufs pour observer toutes ces « zones ».
« Zones. En déshérence. En devenir », de Patrick Rubin, Canal structure, 214 p., 20 euros, disponible à : contact@canal-architecture.com, 01 44 61 72 72.