Emmanuel Macron l’avait promis. Accueilli sous les huées lors du Salon de l’agriculture, le président de la République s’était engagé à recevoir les syndicats, à l’Élysée, pour discuter des solutions à envisager pour répondre à la colère paysanne. C’était chose faite jeudi 2 mai.
Une trentaine de représentants du monde agricole, dont la FNSEA, les Jeunes agriculteurs (JA), la Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Modef, ont été reçus pour évoquer une sortie de crise. Le chef de l’État espérait ainsi clôturer la crise agricole, après de récentes déclarations du premier ministre, Gabriel Attal, saluées par la FNSEA et les JA.
De nouvelles annonces pourraient être faites, après les scrutins dans les chambres d’agriculteurs, en janvier 2025, concernant son projet d’avenir pour l’agriculture. Mais les satisfecit ne sont pas près de convaincre Pierre Thomas, président du Modef, qui rappelle les faiblesses du projet d’orientation agricole.
Vous avez été reçus, jeudi, par le président de la République afin de discuter des « perspectives d’avenir ». Quelle a été la nature de vos échanges ?
Nous avons eu droit à un tour de table avec les organisations agricoles et d’une proposition d’Emmanuel Macron sur un projet agricole pour les cinq à dix ans qui viennent. Le président de la République devait nous présentait sa « vision » de l’agriculture mais il a décidé de la reporter après les élections aux chambres d’agriculture. En ce qui concerne les grandes propositions, il n’y a aucune remise en cause des traités sur le Mercosur et le Ceta. Nous le regrettons. Les annonces faites sont loin de calmer la colère des agriculteurs.
Un projet de loi d’orientation agricole actuellement en examen en commission à l’Assemblée nationale est déjà censé traduire cette « vision » du président de la République. Le Modef a affiché, à de nombreuses reprises, son mécontentement face à celui-ci…
On parle de projet de loi pour renouveler les générations sans évoquer de montants financiers mis en place. Les agriculteurs sont progressivement poussés à agrandir leurs exploitations. Pourtant on ne constate pas d’augmentation de la productivité via l’agrandissement. C’est même le contraire.
“Notre filière est en train de se casser la figure”
Et pour atteindre cette souveraineté alimentaire, il faut trouver des moyens d’accroître la production agricole : les producteurs éprouvent des difficultés dans la filière ovine en ne produisant que 20 % de nos besoins. Pour autant, nous continuons d’importer du mouton de Nouvelle-Zélande à des prix défiant toute concurrence. Sur le lait, la chute de la production et du nombre d’agriculteurs exploitants est importante. Idem pour les fruits et légumes. Le système agricole arrive à bout de souffle.
Que proposez-vous pour enrichir le texte législatif ?
Il faut changer tout le paysage agricole et cela demande du travail. Mais je vois des solutions primordiales qu’il aurait fallu établir, à commencer par l’instauration des prix minimaux garantis. Nous devons sortir de la logique de marché. Les agriculteurs ne pourront pas être compétitifs tant qu’ils feront face à des pays qui produisent avec beaucoup moins de contraintes sociales qu’en France et en Europe.
Prenons l’exemple de la cerise. La Turquie utilise de nombreux intrants chimiques interdits en Europe. Malheureusement, la France importe massivement des cerises turques. Ainsi, notre filière est en train de se casser la figure. Auparavant, avec l’exécutif, la question des clauses miroirs avait été abordée, sans avancées. Au Modef, nous disons qu’il faut simplement interdire ou taxer ces produits importés, à la hauteur des coûts de production des agriculteurs français.
Les prochaines élections dans les chambres d’agriculture se tiendront dans ce contexte de mobilisation agricole et de négociations âpres avec l’exécutif. Comment le Modef aborde cette échéance ?
C’est un enjeu important par rapport aux évolutions qu’elles peuvent amener sur le secteur. Le développement agricole dépend beaucoup des chambres d’agriculture. Les politiques d’installations se décident conjointement entre les chambres d’agriculteurs et les départements.
Nous alertons sur un probable décret visant à bouleverser le financement des organisations syndicales en changeant les modalités de vote, favorisant toujours plus les principaux syndicaux agricoles. Or, dans les règles actuelles, la FNSEA perçoit déjà des subventions publiques de l’ordre du million d’euros quand le Modef ne touche que 350 000 euros.