D’après les révélations de Mediapart, François Bayrou connaissait l’ampleur des accusations de violences physiques et de viols sur mineurs visant le pensionnat catholique Notre-Dame de Bétharram, près de Pau (Pyrénées-Atlantiques), où ses enfants étaient scolarisés et où son épouse a donné des cours de catéchisme. Il avait pourtant affirmé le contraire au Parisien l’an passé : « C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler. » Des propos confirmés, l’été dernier, dans le Point, où il affirme que « personne » ne l’a jamais alerté, « du moins dans (son) souvenir ».
Pourtant, Christian Mirande, juge d’instruction de l’époque au tribunal de Pau a confirmé, mercredi 12 février au soir, auprès du site d’information Mediapart, avoir rencontré l’élu en 1998 et lui avoir parlé des viols sur mineurs dans l’institution. Il enquêtait sur le père Carricart, le directeur du pensionnat, accusé d’avoir violé deux élèves.
Ce magistrat, aujourd’hui à la retraite maintient avoir informé François Bayrou à l’occasion d’une rencontre que l’élu centriste avait lui-même sollicitée. Il affirme que le premier ministre ne découvre rien des graves « soupçons » et « affirmations » qui pesaient, à l’époque déjà, sur ce pensionnat.
D’autant que Mediapart rapportait, dans une précédente enquête, qu’en 1996, alors que François Bayrou était ministre de l’Éducation, des plaignants avaient déjà dénoncé les violences physiques d’un surveillant à Bétharram, condamné par la suite.
Un Premier ministre ment à l’Assemblée Nationale ?
Et pourtant, mardi 11 février, à l’Assemblée Nationale en réponse à une question du député insoumis Paul Vannier, le chef du gouvernement a de nouveau affirmé : « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais. » Depuis un an, le parquet de Pau mène l’enquête à la suite d’une centaine de plaintes pour violences, agressions sexuelles et viols à l’institut catholique, entre les années 1970 et 1990.
« Lorsque la première plainte est déposée », selon le Premier ministre, « en décembre 1997 », il a « quitté déjà le ministère de l’Éducation nationale depuis des mois » – en mai de la même année. « Est-ce que vous croyez que nous aurions scolarisé nos enfants dans des établissements » où l’on aurait « soupçonné ou affirmé qu’il se passe des choses de cet ordre ? », a ajouté François Bayrou mardi 11 février lors des questions au gouvernement.
« Je peux vous assurer que tout est faux et qu’une plainte en diffamation sera évidemment portée », a-t-il conclu, sans préciser qui était visé. Si les informations de Mediapart, qui a toujours gagné ses procès en diffamation, étaient confirmées par l’enquête judiciaire, cela signifierait qu’un Premier ministre a menti devant la représentation nationale. Non pas une mais deux fois.
Certes, mercredi 12 février, le locataire de Matignon à nouveau interpellé à l’Assemblée a d’abord jugé plus opportun d’envoyer son garde des Sceaux, Gérald Darmanin, répondre à sa place. Celui-ci a choisi l’attaque et le dénigrement comme défense : « Je regrette la honte qui consiste à utiliser ces faits pour régler vos comptes politiques », a-t-il répondu à l’insoumis Paul Vannier, qui venait de demander au premier ministre des explications, en plus d’appeler à sa démission.
Mettant en avant les nouvelles révélations de Mediapart – peu avant le média en ligne avait révélé le courrier d’une victime, datant de 2024, et exhumé un article de Sud-Ouest paru en 1996 dans lequel François Bayrou réagit directement à une première affaire de violences -, l’écologiste Arnaud Bonnet a dû revenir à la charge : « Hier vous répondiez, aujourd’hui vous ne répondez pas. (…) Il s’agit d’un problème structurel de notre société. Vous nous devez, Monsieur le ministre, des réponses claires. » Cette fois, François Bayrou a répliqué, mais pour reprendre, quasiment au mot près, la même défense que la veille : « Jamais je n’ai eu la moindre information. Autrement, est-ce que vous croyez que nous y aurions scolarisé nos enfants ? Je récuse les polémiques artificielles à ce sujet. »
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