La dizaine d’avocats de la défense écarquille les yeux. Marine Le Pen les lève vers le plafond dans un rire narquois. Lors de ce troisième jour d’audience, ce mercredi 2 octobre, les prévenus du procès de l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés du Front national ont eu une mauvaise surprise.
En conclusion de son traditionnel rappel des faits, la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis, a présenté les différentes sommes qui, pour l’instruction, auraient été détournées par les députés du Front national en employant des assistants parlementaires payés par le Parlement européen alors qu’ils travaillaient en réalité pour leur parti : 513 000 euros pour Jean-Marie Le Pen, 474 000 euros pour Marine Le Pen… pour un total de 3,213 millions d’euros ! Soit le montant inscrit noir sur blanc sur l’ordonnance de renvoi.
Mais voilà que le tribunal projette un second tableau. Cette fois, devant la case « Montants reprochés au RN », la somme passe à 4,503 millions d’euros. Médusée, la défense oscille entre l’incompréhension et l’énervement. « Vous venez nous dire qu’il y aurait une prévention étendue par rapport à l’ordonnance, c’est inacceptable ! » enrage Me Rodolphe Bosselut, qui représente Marine Le Pen.
Potentiel « système » dans l’unique but de rémunérer les salariés du parti
Pourquoi le tribunal, soudain, ajoute plus d’un million d’euros aux sommes concernées dans l’affaire ? En clair, les 3,213 millions étaient l’addition de tous les contrats (entre députés et collaborateurs) de chaque personne physique poursuivie dans ce procès.
Mais le Rassemblement national, en tant que personne morale, est lui aussi poursuivi. En ce qui concerne le mouvement, le tribunal cherchera à savoir, à l’issue des huit semaines d’audience, si le parti a mis en place un « système » consistant à établir des contrats d’assistants parlementaires dans l’unique but de rémunérer les salariés du parti.
Ainsi, le tribunal correctionnel considère que, même si l’accusation a estimé que certains contrats n’étaient pas condamnables individuellement, il est nécessaire de les prendre en compte dans ce procès, car ils peuvent faire partie intégrante de ce potentiel système de détournement de fonds.
Ce qui fait mécaniquement augmenter le montant reproché. « Nous nous battrons sur le système », réplique sur son banc Marine Le Pen pour contester l’idée d’une organisation centralisée, quittant son sourire condescendant pour laisser échapper un réel agacement. Car, à l’arrivée, ce gonflement du montant reproché au RN pourrait avoir de lourdes conséquences si le parti était amené à être condamné.
Cette première vraie tension dans cette salle 201 du tribunal de Paris aura donné le ton, alors que les débats au fond vont commencer lundi 7 octobre. Auparavant, le Parlement européen, via son directeur des finances, aura livré sa version des faits. Marine Le Pen devait en faire de même, au nom de l’ensemble des prévenus.
Mais, au moment où nous écrivons ces lignes, son heure n’était pas encore venue et pourrait attendre lundi. Alors, sur son banc, la cheffe de l’extrême droite française trépigne, se frustre, quitte la salle. Loin de la sérénité affichée en début d’après-midi. Sans doute a-t-elle compris que ces deux mois de procès seront moins une occasion de s’expliquer, qu’un risque de perdre gros.
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