Le climat politique français rattrape Emmanuel Macron jusqu’en Amérique latine, où il se rend pour le G20 et une visite en Argentine, puis au Chili. La France ne signera pas « en l’état » l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay), a-t-il prévenu à Buenos Aires, dimanche 17 novembre.
« Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs (…) de changer leurs pratiques, de se passer de certains produits phytosanitaires (…) et en même temps ouvrir notre marché à des importations massives de produits qui ne respecteraient pas les mêmes critères », a précisé le chef de l’État. Peut-on pour autant donner lui donner le bon Dieu sans confession ?
Les agriculteurs entendent bien maintenir la pression. Le rejet de l’accord avec les cinq pays latino-américains est une des raisons de leur mobilisation, cette semaine : 82 % des importations en provenance du Mercosur pourraient être exemptées de droits de douane. Les députés sont aussi sur le pied de guerre pour demander au gouvernement de tenir bon face à la Commission européenne.
Des opposants au cœur de la majorité
Deux cent neuf députés de tous bords, à l’initiative du président du groupe Gauche démocrate et républicaine, le communiste André Chassaigne, ont signé une tribune, le 4 novembre, pour demander au gouvernement de « bloquer la conclusion de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur et à la Commission européenne de respecter ce veto français ». Depuis, une nouvelle tribune, à l’initiative du sénateur écologiste Yannick Jadot, a été paraphée par 622 parlementaires nationaux et européens.
Au cœur même de la majorité, des députés sont à la manœuvre. Ainsi, l’élu Droite républicaine (DR) Antoine Vermorel a invité à user de l’article 50-1 de la Constitution qui permet au gouvernement d’organiser un débat à l’Assemblée suivi d’un vote. Cela donnerait plus de poids à la position française. Les députés insoumis ont appuyé, lundi, cette proposition, invitant Michel Barnier à faire usage de cette procédure.
Julien Dive, autre député DR, a proposé, lui, le 14 novembre, de faire pression en bloquant l’adoption d’un autre traité, avec le Canada, le Ceta. Cet accord est déjà entré en vigueur, bien que le processus de ratification n’ait pas été mené à bien, faute de majorité gouvernementale sur le sujet à l’Assemblée nationale.
En réalité, la clef n’est pas qu’à Paris. L’accord Mercosur initial était mixte, composé d’un volet politique et d’un volet économique. Or, les traités européens stipulent qu’un accord politique doit avoir l’aval des 27 États. Mais les accords économiques, eux, relèvent de la « compétence exclusive » de la Commission européenne, pour éviter qu’un petit nombre d’États qui se sentiraient lésés n’y posent leur veto.
À partir de 2019, la France et quelques autres pays se sont saisis du caractère mixte de l’accord pour s’opposer au traité. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a trouvé la parade et souhaite scinder l’accord pour que Bruxelles reprenne la main sur le volet commercial.
Le 13 novembre, Michel Barnier avait rétorqué à la cheffe de l’exécutif européen que « l’accord Mercosur n’est pas acceptable par la France et ne le sera pas ». Celle-ci a semblé donner des gages, ce dimanche, depuis l’antenne de la chaîne brésilienne GloboNews : « Nous devons inclure les 27 chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’UE. Et du côté du Mercosur, tous les membres doivent être également prêts à signer. »
Les députés demandent à Paris de trouver une minorité de blocage
Pour le gouvernement, la situation est difficile. Ces dernières semaines, les parlementaires ont demandé que Paris œuvre à une minorité de blocage : il faut pour cela empêcher la commission de trouver 15 États représentant 35 % de la population de l’UE pour adopter son texte.
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture (LR) opposée de longue date à l’accord, a déclaré ce lundi être « en lien avec (ses) homologues des Pays-Bas, d’Italie, et avoir bientôt une discussion bilatérale avec le ministre de l’Agriculture polonais. Nous nous efforçons de constituer une minorité de veto sur cet accord ». Si l’Italie vient d’annoncer par la voix de son ministre de l’Agriculture que « le traité UE-Mercosur sous sa forme actuelle n’est pas acceptable », d’autres pays se montrent inquiets : la Belgique, Chypre, la Grèce…
Le gouvernement ira-t-il jusqu’au bout, au risque de diviser l’UE ? Onze pays ont signé une lettre pour dire leur soutien à l’accord. Parmi eux, l’Allemagne, premier exportateur européen et troisième exportateur mondial, dont l’économie est à la peine. L’Élysée pourrait être rattrapé par sa tentation de sacrifier l’agriculture française à la relation franco-allemande.
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