François Bayrou s’est toujours senti comme investi d’un destin, presque d’une sainte mission. Ses candidatures à la présidence de la République étaient empreintes de cette vision quasi mystique : il aurait été choisi pour sauver la France. En ce sens, ce passionné d’Henri IV ressemble plus à Jeanne d’Arc qu’au Vert Galant. Fervent catholique, nul doute qu’il aura vu dans la concomitance entre son arrivée à Matignon et la réouverture de Notre-Dame de Paris le signe d’une légitimation divine. C’est d’ailleurs la seule légitimité dont il pourrait éventuellement se prévaloir. En le nommant, Emmanuel Macron a réussi l’exploit de placer à Matignon un homme dont le parti politique à encore moins de députés que celui de Michel Barnier, son prédécesseur.
Alors, à quoi va servir Bayrou ? En bon représentant de la démocratie chrétienne, il raconte qu’il y a « un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser ». La fable du rassemblement des bonnes volontés aura-t-elle une traduction dans la composition du gouvernement ? On en doute. Les adeptes du « ni droite ni gauche » ou de sa version inclusive « et de droite et de gauche » sont en réalité des gens de droite. Le « nécessaire compromis » et le « besoin de stabilité » dont on nous rebat les oreilles ne sont que des synonymes de « soumission aux intérêts des riches ». Bayrou n’est qu’une nouvelle roue de secours – déjà crevée au demeurant – pour Macron et ceux dont ils protègent jalousement les intérêts – la bourgeoisie – pour soumettre les Français, leur faire accepter quelques semaines, quelques mois de plus des politiques antipopulaires.
Le futur que préparent Bayrou, Macron et leurs amis se devine dans la satisfaction affichée par Marine Le Pen à la suite de sa discussion avec le nouveau premier ministre. La patronne du parti d’extrême droite estime avoir été « écoutée » et est ressortie avec la certitude que les élus du RN seront « traités comme les autres ». L’achèvement de la normalisation pour offrir au capital une issue potentielle à la crise politique. Le 3 décembre, Xavier Niel vendait d’ailleurs la mèche dans l’Opinion, en affirmant que « le seul raisonnable sur le soutien aux entreprises, c’est Jordan Bardella ». Après tout, Wall Street se réjouit bien du retour de Trump.
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