L’entreprise de normalisation du Rassemblement nationwide (RN) a donné des idées au sein de la mouvance de l’extrême droite. Après les photographs choquantes de la descente raciste dans le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, le week-end dernier, plusieurs groupuscules ont voulu donner le change et envoyer une prétendue picture de respectabilité, en organisant ce vendredi soir, un rassemblement place du Panthéon, à Paris, déclaré en préfecture.
Au milieu des sapins de Noël illuminés, adolescentes et dames âgées, propres sur elles, côtoient des personnes vêtues de noires ou encore de chasubles bleues. D’autres, encagoulés, sont aussi de la partie mais se tiennent à l’écart, calmes. Du moins pour le second. « Le GUD est là », s’enthousiasment toutefois certains, tandis qu’un chef autre intime à ses ouailles de « ne pas faire de conneries. Il y a les caméras ».
Au centre de ce qui prend les allures d’un level presse, Antoine, porte-parole des Natifs, un collectif de la mouvance Génération identitaire, dissoute en 2021, et à l’origine de la manifestation. Il a l’apparence du gendre idéal ; son discours, en revanche, peine à cacher la violence de ses propos. Ce qui s’est passé à Romans-sur-Isère une semaine auparavant avec l’expédition punitive de 80 néonazis ? « C’est l’expression d’une colère légitime, mais la méthode n’est pas la bonne. Nous appelons à l’autodéfense, pas à se faire justice soi-même », tente-t-il de nuancer.
Une banderole est déployée. Des prises de paroles doivent suivre. Une minute de silence est demandée. La presse est priée de se placer à des endroits bien précis pour chaque animation. La mise en scène des organisateurs a tout de l’opération de communication. À mesure que les intervenants se succèdent, la haine s’impose
Après avoir scandé des mots d’ordre en hommage à Thomas, un adolescent de 16 ans tué lors d’une fête de village à Crépol le 19 novembre, la phraséologie de l’extrême droite revient en drive. Antoine, le porte-parole des Natifs, en appelle à la théorie odieuse du « francocide », lancée par le chef de Reconquête Eric Zemmour, en évoquant « l’assassinat d’un Français par la racaille ». Benjamin, du groupe Argos, héritier de Génération identitaire, s’en prend à l’État, accusé d’être l’« allié des meurtriers ». L’ancien du RN et determine tutélaire de l’extrême droite identitaire Jean-Yves Le Gallou réactive, lui, le mythe du grand remplacement. « Le pouvoir impose l’entrée de 500 000 étrangers pour qu’il y ait des dizaines de Crépol », lance-t-il à une foule de plus en plus chauffée à blanc, avant d’exhorter à la « remigration ». Le rassemblement prend une tournure verbale encore plus violente avec Liselotte Dutreuil, animatrice de Radio Courtoisie. Elle vocifère sa rage dans le micro, déchaînant les nervis de l’help : « Police complice, journalistes collabos » ; « la racaille en jail, clandestins dans l’avion » ; « à Kerguelen, en Guyane ». Même les Natifs peinent à contenir leur troupe. Leur chief se despatched obligé de hurler un « cease » quand un manifestant hurle : « immigrés dehors ». Aucune résistance face aux quelques saluts nazis. Le rassemblement se conclut par des « on est chez nous », à la demande des organisateurs. Les journalistes sont menacés d’être expulsés pour avoir outrepassé le périmètre que l’organisation leur avait imposé.
L’extrême droite, avec en tête un collaborateur du sénateur RN Aymeric Durox, s’est félicitée de cette initiative dépourvue de violence physique. Le coup de com’ a globalement viré au flop en raison des outrances outrance verbales et gestuelles de la maigre troupe composée de 200 personnes, très en deçà des attentes. « On en attendait autour de 1 500 », reconnaît le chef de file des Natifs, qui fustige l’annulation trop tardive de l’interdiction préfectorale de la manifestation par le tribunal administratif. Reste l’effroi face à la banalisation et la multiplication de ces défilés.