« Ici les enfants ne mangent pas à leur faim. Quand ils arrivent à Mayotte, les métropolitains sont choqués par ce premier tableau : des enfants qui cherchent à manger dans les grosses poubelles. » Daniel Gros, référent de la Ligue des droits de l’homme à Mayotte, pose le décor. Lydia Barneoud, professeure d’anglais et directrice d’Haki Za Wanatsa, une affiliation mahoraise qui œuvre pour les droits de l’enfant, complète : « Ici, les enfants ne meurent pas de faim, mais ils sont dénutris et c’est flagrant. »
Elle raconte que pour la plupart de ses élèves, le seul repas de la journée est la collation distribuée gratuitement par le collège : « Un sandwich froid, un Kiri et une pomme. » Seules les familles qui le peuvent cotisent pour permettre cette distribution, ce qui a causé « la crainte de ce fameux appel d’air, ou si certains pouvaient l’avoir gratuit, alors tout le monde allait vouloir l’avoir gratuit », explique Lydia, avant d’affirmer que ce système a fait ses preuves.
« Une pauvreté, c’est structurel »
L’« appel d’air » qu’elle évoque est selon elle un « prétexte horrible » utilisé par l’État pour bafouer les droits. Un avis que partage également Daniel Gros : « Pour les familles pauvres, l’enfance c’est l’espoir, c’est l’avenir. Donc l’État atteint les enfants en espérant que ça va décourager les familles comoriennes de venir à Mayotte. »
Mais pour Lydia Barneoud, anthropologue de formation, cette logique n’a pas de sens : « On est effectivement le département le plus pauvre de France, de loin, mais on est le plus riche de la région. Tant que le PIB sera 13 fois supérieur à celui des Comores ou de Madagascar, les gens viendront quand même, peu importe si les droits sont bafoués ou non. »
« Les enfants des quartiers pauvres me disent : “La police elle vient, elle casse les portes, elle rentre et elle emmène nos mamans” »
Daniel Gros, référent de la Ligue des droits de l’homme à Mayotte
À Mayotte, il n’existe pas d’aide médicale d’État (AME), ni de complémentaire santé solidaire. Pour le référent de la LDH, « beaucoup continuent de venir des îles alentour, mais de par leur statut d’étranger, ils sont chassés, harcelés, et n’ont le droit à aucune prestation sociale. »
À cela s’ajoute la crise de l’eau, rendant l’accès aux soins encore plus compliqué qu’auparavant. Pour lui, « une pauvreté c’est structurel » et « elle survient dès que l’État ne s’occupe pas de sa inhabitants », poursuit-il, avant de remettre en trigger la politique postcoloniale : « Ce sont des terres lointaines que la France a gardées et on se demande vraiment pourquoi ».
« C’est toute une odyssée d’inscrire son enfant à l’école »
Unicef France estime, dans son dernier rapport, entre 5 379 et 9 575 le nombre d’enfants hors de l’école à Mayotte. Cela s’explique notamment par « l’antijeu de la half des mairies » explique la professeure d’anglais. « C’est toute une odyssée d’inscrire son enfant à l’école automobile les communes demandent de nombreux paperwork que ne peuvent se procurer les familles étrangères », poursuit-elle.
À cela s’ajoute le manque d’établissement scolaire, « il y a 30 enfants qui naissent à la maternité chaque jour et 30 autres qui arrivent par la mer. Il faudrait créer un collège et un lycée par an », pointe-t-elle.
Nombre d’enfants restent donc à la « maison » – souvent des abris de fortune – en attendant que les dad and mom reviennent, peut-être parfois pour la dernière fois : « Les enfants des quartiers pauvres me disent : “La police elle vient, elle casse les portes, elle rentre et elle emmène nos mamans” », raconte Daniel Gros.
Souvent après leur avoir arraché leurs dad and mom, on leur arrache leur toit : « L’État a décidé de démolir les quartiers pauvres. Démolir, ça veut dire qu’on prive de toit un enfant. On nous fait croire que les enfants sont relogés mais c’est de la foutaise », poursuit-il en faisant référence à l’opération « Wuambushu » lancée en avril dernier par Gérald Darmanin pour détruire des constructions illégales.
Mayotte, laboratoire d’expérimentation ?
Pour obtenir ses papiers à 18 ans, un enfant né à Mayotte doit prouver qu’un de ses deux dad and mom était en scenario régulière trois mois avant sa naissance. Mais c’est loin d’être la majorité des cas : « On leur dit indirectement qu’à 18 ans, si tu es une fille tu n’as qu’à faire prostituée et si tu es un mec, tu n’as qu’à continuer de construire Mayotte gratuitement », s’indigne Lydia Barneoud face au manque de views d’avenir offertes à ces enfants.
Pour Daniel Gros, cela s’inscrit encore une fois dans la politique migratoire menée par le gouvernement. « L’État pense que le migrant est utilitariste. Il s’attaque alors à l’avenir des enfants qui sont sur son territoire, qu’ils y soient nés ou pas » affirme-t-il. L’air désabusé, la professeure d’anglais conclut : « Mayotte c’est un petit laboratoire de tout ce qui va être expérimenté à plus ou moins lengthy terme en métropole sur l’accès au droit, parce qu’il y a cette peur incroyable de l’étranger. »