Macron, on le sait, a perdu tout crédit politique depuis longtemps ; voilà qu’il ne s’attache même plus à sauver les apparences. « Si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! » À Mayotte, au milieu du cataclysme laissé par le passage du cyclone Chido, les propos du chef de l’État sont ceux d’un potentat colonial étranglé par son narcissisme.
Mais quoi d’étonnant ? C’est le propre du régime colonial de se donner comme relevant de l’éternité. C’est le propre du colonisateur de se poser en sauveur sans lequel le colonisé serait englouti par la fatalité de ses impérities. « Mayotte, c’est la France ! » répète le pouvoir.
Mayotte est surtout le nœud d’un lourd contentieux lié à la décolonisation des Comores. Après son accession à l’indépendance, le jeune État a été admis comme membre de l’ONU en vertu de la résolution 3 385 du 12 novembre 1975. Cette résolution onusienne réaffirme « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale des Comores, composées des îles d’Anjouan, de Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli ». Une résolution que Paris n’a jamais respectée, érigeant même un mur invisible pour empêcher la circulation entre l’île et ses voisines.
Au point que des centaines de Comoriens périssent chaque année noyés dans le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte. Les frêles embarcations naviguant là font beaucoup rire Macron, qui avait grassement plaisanté au début de son premier mandat sur les kwassa-kwassa qui « pêchent peu », mais « ramènent du Comorien ».
Paris n’a jamais accepté l’indépendance des Comores, ce chapelet d’îles à la position stratégique dans l’océan Indien. D’où la séparation de Mayotte et la politique de déstabilisation de l’archipel, de coups d’État en assassinats politiques supervisés par le mercenaire Bob Denard.
Une politique de déstabilisation destinée à démontrer que seul le maintien dans la France serait synonyme de stabilité et de prospérité. Pourtant, plus d’une décennie après le référendum entérinant la départementalisation et ses promesses d’égalité républicaine, le bilan est désastreux : pauvreté extrême, services publics délabrés, inégalité des droits. Ce bilan, c’est celui de l’État français.
Pas celui des originaires des îles voisines, que Darmanin entendait chasser l’an dernier avec son opération militaire et policière Wuambushu. Pas celui de ces populations tenues pour subalternes, dont les morts ensevelis sous les décombres des bidonvilles ne sont même pas recensés. Les catastrophes climatiques disent tout des failles des sociétés sur lesquelles elles s’abattent. Chido en est une cruelle démonstration. Une vie à Mayotte ne vaut pas une vie à Pau, à Paris ou Amiens. C’est le propre de la colonie.
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