Il y a soixante-dix ans, durant l’hiver 1954, l’Abbé Pierre lançait un appel poignant après qu’une femme a été découverte morte de froid dans une rue de Paris. Aujourd’hui encore, le froid et l’inaction des pouvoirs publics tuent. Le visage de cette incurie est celui d’une petite fille de trois mois, Fanta, morte à Armentières (Nord) dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier.
Elle survivait avec sa mère et ses deux frères de 2 et 4 ans dans un appartement insalubre où l’électricité avait été coupée. Sans chauffage ni même la possibilité de lui faire chauffer un biberon, sa mère, Fatima, s’était résolue à allumer un braséro avec du charbon pour lui éviter l’hypothermie. Mais à 5 heures du matin, la mère se réveille prise de vertiges. Son nourrisson a vomi et ne réagit pas. Les secours ne parviendront pas à réanimer la petite Fanta, qui est enterrée trois jours plus tard.
En trigger, l’impossibilité pour Fatima de faire valoir ses droits
Ce drame n’est pas un easy fait divers, dénoncent les soutiens de la famille endeuillée. En trigger, l’impossibilité pour Fatima de faire valoir ses droits au travail et aux aides sociales par manque de diligence de la préfecture du Nord. Originaire de Côte d’Ivoire, la jeune femme de 26 ans, qui a fui des persécutions dans son pays, avait pourtant obtenu le statut de réfugié par décision de la Cour nationale du droit d’asile 18 mois avant le drame.
Fatima avait donc déposé en préfecture, le 8 juillet 2022, sa demande de carte de résident, un titre de séjour d’une durée de dix ans qui aurait dû légalement lui être délivrée dans les trois mois. Le hic, c’est que cette procédure se fait désormais par la plateforme dématérialisée ANEF, dépendante du ministère de l’intérieur, qui dysfonctionne notoirement.
Fatima obtient seulement une attestation de dépôt, valable jusqu’en janvier 2023, qui justifie de son séjour régulier sur le territoire, lui ouvrant le droit au travail et aux prestations sociales. En février 2023, en l’absence de délivrance de sa carte de résidence, elle en sollicite le renouvellement. Aucun retour ne lui est fait. Le RSA et les allocations familiales ne lui sont plus versés. Se constituent une dette locative et une dette auprès d’EDF.
Fatima vit seule avec ses deux fils, elle ne peut même plus payer la cantine pour l’aîné. Elle est enceinte. Deux jours après la naissance de sa fille, le 31 juillet 2023, l’électricité lui est drastiquement réduite. Sans ressources, Fatima est contrainte de mendier devant la mosquée d’Armentières.
Ce n’est que suite à un recours au Tribunal administratif en octobre, qu’une attestation lui est enfin délivrée, lui permettant de récupérer une partie de ses droits sociaux. La décision intervient néanmoins trop tard. Fatima tente de résorber sa dette, sans succès. La veille du drame, inquiète du froid mordant, elle appelle EDF, explique sa state of affairs. Le service purchasers lui guarantee que le courant va être remis dans la soirée, au vu du froid. Cela ne viendra jamais.
Des effets délétères de la dématérialisation des procédures
« À ma connaissance, c’est la première fois que la dématérialisation des demandes de titre de séjour tue », tempête Me Caroline Fortunato, l’avocate de la jeune femme qui avait, dès le 18 octobre 2023, alerté par mail la préfecture des risques pour la vie du bébé de Fatima. Une indignation partagée par Élodie Beharel, déléguée nationale de la Cimade en région Nord Picardie, qui, avec d’autres associations et collectifs, bataille depuis plus d’un an contre les effets délétères de la dématérialisation des procédures.
« La state of affairs de Fatima est loin d’être isolée. Nous avons des cas de personnes étrangères en state of affairs régulière sur le territoire français depuis plus de 20 ans qui deviennent sans papier du fait des délais abusifs de l’administration pour le renouvellement de leurs cartes de résident de 10 ans. Cela peut amener à des pertes d’emploi et de logement, voire à des drames », explique la responsable de l’affiliation.
En septembre dernier, une quarantaine d’acteurs de la solidarité et d’ONG – dont ATD Quart-Monde, la Fédération des acteurs de la solidarité Hauts-de-France, la Fédération des Centres Sociaux Nord Pas-de-Calais, La Cimade Nord Picardie, la Ligue des droits de l’Homme, le Mrap, le Secours catholique, Singa ou encore Syndicat des avocats de France – publiaient une lettre ouverte au préfet du Nord.
Elles demandaient « en software de la réglementation en vigueur, que les personnes déposant une demande de renouvellement de leur titre de séjour obtiennent, automatiquement et sans délai, un doc attestant de la régularité de leur séjour, afin d’éviter les ruptures de contrats de travail et le basculement de ces personnes dans des conditions d’extrême précarité, d’angoisse et de souffrance. » Un courrier resté, à ce jour sans réponse.
« La nouvelle loi immigration qui vient d’être promulguée, et qui pourtant évoque l’intégration dans son intitulé, ne prévoit rien pour lutter contre ces conditions de blocage », regrette Élodie Beharel. Pour sa half, Me Fortunato se dit « très inquiète pour l’hiver prochain, au regard de la poursuite de la dématérialisation à marche forcée, alliée aux conséquences de la loi Kasbarian-Bergé (qui permet d’expulser plus facilement les personnes même durant la trêve hivernale, N.D.L.R.), qui pourrait engendrer de nouveaux décès ».
En attendant, l’avocate a l’intention d’engager la responsabilité de l’État concernant le cas de Fatima. « Nous allons présenter une demande indemnitaire au préfet du Nord, qui, en cas de défaut de réponse, nous amènera à saisir le tribunal administratif dans le cadre d’une responsabilité administrative pour faute, automotive la préfecture devait rendre une réponse à ma cliente sous trois mois et qu’il lui en a fallu plus de 18 pour le faire. Cela devrait déboucher sur une indemnisation financière. Nous ne souhaitons pas en revanche confronter Fatima à une procédure pénale qui risquerait d’être longue et douloureuse. Il lui faut d’abord se reconstruire », assure-t-elle.
« Je ne veux plus dépendre d’aides qui peuvent être coupées à tout second »
Relogée à Lille, dans de meilleures situations, Fatima a aujourd’hui du mal à refaire floor après la perte de son bébé. « J’essaie de tenir pour mes deux garçons. Mais chaque fois que je croise une maman avec un jeune enfant dans les bras ou que je retombe sur des affaires ayant appartenu à ma petite, je m’effondre. Je cherche activement du travail, dans n’importe quel domaine, pour m’occuper la tête et aussi pour faire face aux dettes accumulées. Je ne veux plus dépendre uniquement d’aides qui peuvent être coupées à tout second et me conduire dans une state of affairs similaire à celle qui a provoqué la mort de ma fille », raconte, très émue, la jeune femme qui, à 26 ans, a connu son lot de douleurs.
Elle a fui son pays en 2018 pour échapper à l’excision et à un mariage forcé, entreprit un voyage périlleux qui l’a conduite en Libye, où elle a été emprisonnée, violée et finalement entassée avec plus d’une centaine d’autres personnes dans une embarcation de fortune pour traverser la Méditerranée.
« J’ai envie d’aller à l’école pour mieux parler français et j’aimerais devenir coiffeuse, un métier qui me tient à cœur »
Fatima, mère de Fanta
Alors enceinte de 9 mois, elle a accouché de son premier fils en Italie. L’enfant était malade et atteint d’une malformation nécessitant une opération chirurgicale. Pour le faire soigner Fatima vient en France où, après des semaines d’errance, dormant à la rue avec le petit Mohammed, elle a pu obtenir la levée de la procédure Dublin qui, normalement, lui imposait de demander l’Asile dans le premier pays de l’espace Shengen où elle avait été enregistrée. L’enfant est sauvé et la mère a pu obtenir le statut de réfugiée.
Mais elle doit de nouveau se battre pour échapper au père violent de son deuxième enfant, aujourd’hui âgé de deux ans. Après ces années difficiles et la perte de sa fille dans des situations terribles, la jeune femme n’a cependant pas renoncé à se construire un avenir. « J’ai envie d’aller à l’école pour mieux parler français et j’aimerais devenir coiffeuse, un métier qui me tient à cœur », s’autorise-t-elle à espérer.
« L’État ne veut pas voir ces visages »
En attendant, pour rendre hommage à Fanta, et protester contre une dématérialisation des providers publics qui prive les personnes de leurs droits, Fatima, épaulée par le Collectif pour Fanta, appelle tous ceux qui le peuvent à participer à une Marche blanche le 3 février à 14 heures au départ de la place de la République, devant les grilles de la préfecture de Lille. Plusieurs centaines de personnes y sont attendues, des élus ont annoncé leur présence ainsi que des représentants d’associations et des personnes privées d’accès à leurs droits.
« L’idée est de visibiliser ces personnes dont les providers de l’État ne veulent pas voir les visages. Il faut aussi que toutes les victimes de la dématérialisation sachent que des associations et des avocats sont là pour les aider », précise Me Fortunato qui se rendra en gown, au rassemblement comme ses confrères et consœurs du Syndicats des avocats de France (SAF). Fanta, qui a demandé à chacun de se vêtir d’une tenue sombre et d’apporter une peluche en mémoire de sa fille, ajoute « Je veux surtout faire en sorte que ce qui est arrivé à ma famille ne se reproduise pas. »