Pour la troisième année consécutive, la centrale thermique de Saint-Avold (Moselle) a repris du service. L’un des deux derniers sites tricolores encore alimentés au charbon, avec Cordemais (Loire-Atlantique), s’est mis en ordre de bataille ce mardi 12 novembre, en réaction à une flambée des prix Spot de l’électricité. Les éoliennes en panne, car privées de vent dans le nord de l’Europe, ont raréfié les ressources de certains États membres, dont l’Allemagne, et, de ce fait, cela a haussé les tarifs sur les marchés de gros.
Lors de ces journées dites « signalées » par le gestionnaire de réseau, l’exploitant, ici GazelEnergie, peut ainsi décider d’activer la machine pour exporter sa production. Pas de raison de s’en priver, donc, pour le groupe propriété du milliardaire tchèque Daniel Krestinsky, puisque l’Hexagone « dispose cette année d’un faible niveau de risque » concernant sa sécurisation d’approvisionnement, a assuré RTE lors de la présentation de ses prévisions pour l’hiver 2024-2025. L’organisme a précisé que, en dehors des pics de froid hivernaux, « les centrales ont peu de contributions aux besoins français ».
Les agents retiennent leur souffle
Depuis plus d’une semaine, la centrale tourne ainsi à plein régime pour envoyer massivement son électricité outre-Rhin, malgré une empreinte carbone désastreuse. Tandis que le Royaume-Uni a annoncé, en pleine COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, qu’il s’apprêtait à interdire l’ouverture de nouvelles mines de charbon sur son territoire, RTE justifie le démarrage de la centrale de Saint-Avold comme un « résultat pur du fonctionnement du marché européen ».
En septembre 2023, Emmanuel Macron s’était pourtant engagé à sortir totalement la France du charbon à l’horizon 2027, après l’avoir déjà promis en 2017 pour 2022. Bien que l’énergie fossile représente à ce jour moins de 1 % dans le mix électrique français, le président avait également assuré aux deux centrales restantes une reconversion à la biomasse. L’abandon en septembre par EDF du projet Ecocombust porté par la CGT à Cordemais n’a pas rassuré les 90 salariés et 130 sous-traitants dépendant de celle de Saint-Avold.
De même que le gestionnaire de la centrale, GazelEnergie, ceux-ci voient leur sort suspendu depuis des mois au refus du gouvernement de trancher quant à l’avenir du site. Le scénario privilégié pour l’heure, celui d’une reconversion au biogaz, semble loin d’être joué.
Malgré des échanges réguliers avec le cabinet de la ministre déléguée à l’Énergie, Olga Givernet, l’exploitant estime ne pas avoir de garanties suffisantes pour débloquer les 100 millions d’euros d’investissements nécessaires pour mener cette transformation. Pour « tenir l’objectif de 2027, et maintenir les emplois, il faudrait que les travaux, dont la durée est estimée à deux ans, débutent dès 2025 », presse Thomas About, délégué syndical CFDT de la centrale.
« Sans reconversion, nous devrons importer plus d’électricité carbonée »
La directrice de cabinet de la présidence du groupe propriétaire, notamment chargée des affaires publiques, Camille Jaffrelo, rappelle également que la plupart des agents de la centrale disposent de contrats courant jusqu’au mois d’avril, une épée de Damoclès supplémentaire. Si date butoir il y a, c’est du fait d’un premier plan de licenciement, lancé en 2021 dans une perspective de décarbonation. Les 87 salariés visés de GazelEnergie sur le site mosellan de Saint-Avold 3 ont ensuite été rappelés en catastrophe six mois plus tard, pour rouvrir la centrale et faire face aux tensions sur le marché de l’énergie. Les risques de pénurie ont poussé l’exécutif à relancer la tranche au charbon en novembre 2022, puis à nouveau en janvier dernier.
Depuis, leur sort reste en suspens. « Au-delà d’un enjeu social, il s’agit de l’intérêt général, de notre souveraineté énergétique, alerte le représentant CFDT. Chaque année, au moment des pics de consommation, nous sommes contraints d’importer la production allemande (2 à 4 gigawattheures par an). Si notre unité n’est pas reconvertie, nous devrons acheter davantage d’électricité carbonée chez nos voisins. C’est pourquoi nous avons besoin de thermique pilotable sur le territoire. »
La porte-parole de GazelEnergie abonde. Selon elle, « il faudrait intégrer ce projet dans le calendrier législatif pour l’entériner ». Le gouvernement a deux occasions d’agir. Le projet de loi de finances (PLF 2025), qui, après avoir été rejeté par les députés, est examiné depuis lundi 18 novembre au Sénat. Et La consultation publique sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui court jusqu’à fin décembre, et débouchera sur un décret. Interrogé sur ces échéances et l’avenir du site, le cabinet d’Olga Givernet n’a pas répondu à nos sollicitations.
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