Souvenez-vous : c’était en juin 2023, lors d’un déplacement présidentiel sur le site du laboratoire Aguettant, en Ardèche. À l’époque, Emmanuel Macron jurait de « renforcer la souveraineté sanitaire de la France ». Ses maîtres mots : « Réindustrialiser, regagner en souveraineté et décarboner. » Promesse de clore le chapitre de la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid et des pénuries de médicaments, conséquences des délocalisations des principes actifs. La décision du groupe Sanofi de céder 50 % de sa filiale Opella – qui produit, entre autres, le célèbre Doliprane – au fonds d’investissement états-unien CD&R est un cinglant désaveu pour l’hôte de l’Élysée ; c’est aussi un scandale d’État. Face au tollé, les ministres de l’Économie, Antoine Armand, et de l’Industrie, Marc Ferracci, ont été contraints de se rendre auprès des salariés en grève de l’usine de Lisieux (Calvados), l’un des sites de production du produit phare des pharmacies.
Les arguments avancés par la direction de Sanofi valent leur pesant d’or : selon elle, cette cession lui permettrait de « se concentrer sur les médicaments et les vaccins innovants ». Qu’importe si ce fleuron industriel a été biberonné aux aides fiscales de l’État et a bénéficié, sans condition ni contreparties, de 1,5 milliard d’euros au titre du crédit d’impôt recherche. Malgré ces financements publics, la direction du groupe industriel a détruit, ces dernières années, 8 000 postes de travail, dont la moitié dans le secteur de la recherche ! Le groupe affiche pourtant un insolent chiffre d’affaires : 21 209 millions d’euros au premier semestre 2024, avec un ruissellement de dividendes pour les actionnaires.
En lâchant son pôle « santé grand public » et l’antidouleur le plus consommé en France, Sanofi fait le choix de la rentabilité financière au détriment de la santé des Français. Pas moins de 11 000 emplois de la filiale Opella sont menacés à travers le monde, dont 1 300 dans l’Hexagone. L’antidote n’est pas d’abdiquer devant la logique de lucre des laboratoires shootés à l’agent public, mais de préserver l’intérêt général et la souveraineté sanitaire. La création d’un pôle public du médicament permettrait d’en préserver la chaîne de production, le développement et la distribution, tout en investissant dans la recherche de nouveaux traitements et vaccins, à l’abri des grandes manœuvres spéculatives.
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