Elles se planquent dans des squats, des caves, des parkings, des aéroports. Avec cette même obsession : se rendre invisibles pour échapper aux violences de la rue. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses. Aujourd’hui, 40 % des personnes sans domicile sont des femmes.
« Une situation inédite, historique même », alerte la sénatrice (LR) Agnès Evren, l’une des rapporteures du rapport sur les femmes sans abri, élaboré par la délégation aux droits des femmes du Sénat et adopté deux jours avant la Journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, ce 10 octobre.
À l’issue de dix mois de travaux et de rencontres avec une cinquantaine de femmes sans abri, les sénatrices Agnès Evren, Laurence Rossignol, Marie-Laure Phinéra-Horth et Olivia Richard ont formulé 22 recommandations visant à mieux connaître et repérer ces femmes. Mais aussi à leur assurer une offre d’hébergement à la hauteur de leurs besoins, leur faciliter l’accès au logement, à mieux les accompagner dans l’accès à leurs droits. Et aussi afin de valoriser les travailleurs sociaux (à 65 % des femmes) qui assurent cet accompagnement.
« Victimes d’une vraie spirale de précarité et de violences »
Qui sont-elles ? « Pour beaucoup, elles ont été victimes d’une vraie spirale de précarité et de violences », constate Agnès Evren. Parmi celles nées en France, 36 % ont ainsi été victimes de violences dans leur enfance et 25 % ont connu un passage à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Celles qui ont fui leur pays (50 % des femmes sans abri) sont particulièrement exposées à des risques d’exploitation domestique et sexuelle. Il y a celles, aussi, qui développent des troubles psychiatriques lourds, souvent associés à des addictions. Faute de places en hébergement d’urgence, chaque nuit, environ 3 000 femmes et 3 000 enfants se retrouvent dehors.
« Après quelques mois passés à la rue, toutes disent avoir subi au moins un viol et des agressions sexuelles », souligne encore Agnès Evren. Alors, pour adapter les politiques publiques à des femmes qui font tout pour se rendre invisibles, il est nécessaire en premier lieu de systématiser des analyses genrées et un questionnement sur les violences subies.
Laurence Rossignol rappelle ce que les associations martèlent depuis longtemps : « Il faut créer 10 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires. » Et, en parallèle, « retrouver une politique de logement social digne de ce nom ». La sénatrice insiste : bon nombre de femmes sont retenues en centre d’hébergement, faute de pouvoir postuler à un logement social.
« Beaucoup travaillent, ou ont un enfant né ou scolarisé en France. Elles ne sont pas expulsables mais n’ont pas de titre de séjour », précise Olivier Richard. Il faudrait donc avant tout « régulariser leur situation ». Les pensions de famille, l’intermédiation locative, les baux glissants, les logements intermédiaires peuvent aussi être favorisés.
De même, insiste Marie-Laure Phinéra-Horth, « l’accès aux soins médicaux et la prise en charge des violences sexistes et sexuelles doivent être priorisés, avec des structures centralisées ». Enfin, le rapport rend hommage aux travailleurs sociaux, « qui accompagnent au quotidien un public très fragile alors qu’eux-mêmes se trouvent dans des situations précaires en raison de faibles rémunérations et de manque de reconnaissance sociale ». Alors, il y a urgence à revaloriser leur profession et leur statut.
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