Le tribunal correctionnel de Paris a connu défenses plus heureuses. Les assistants de Fernand Le Rachinel, entre 2004 et 2009, n’ont pas travaillé directement pour lui ? Première réponse de l’intéressé à la barre : « Lors de mon premier mandat, entre 1994 et 1999, nous fonctionnions déjà comme cela. » Premier à être auditionné dans ce procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN/RN entre 2004 et 2016, le chef d’entreprise normand est apparu fébrile, confus, devant un tribunal par moments stupéfait par ses digressions et anecdotes parfois improbables.
Fernand Le Rachinel est poursuivi pour détournements de fonds publics, pour avoir embauché Thierry Légier et Micheline Bruna, à la demande de Jean-Marie Le Pen, reconnaît le prévenu. « Cela ne me convenait pas car j’étais très impliqué dans mon mandat mais c’était le fonctionnement », a-t-il expliqué.
Il ajoute, comme l’a fait Marine Le Pen la semaine dernière, que l’ensemble des collaborateurs formaient un « pool », un groupe dans lequel chaque député était censé pouvoir piocher pour être aidé, en fonction des besoins du moment. « Certes, sur le papier, c’était Micheline Bruna et Thierry Légier. Mais deux autres m’ont assisté dans mes dossiers, mesdames Bardi et Salagnac. En quelque sorte, ils étaient interchangeables, nos assistants. » Ce qui va à l’encontre du règlement du Parlement européen.
« Le Parlement européen était au courant et aurait dû nous prévenir »
De plus, le récit de Fernand Le Rachinel contredit la défense de Marine Le Pen selon laquelle « le Parlement européen reproche à nos assistants d’avoir fait de la politique ». Dans le cas de Thierry Légier et Micheline Bruna, était-ce vraiment le cas ? Le premier était en réalité le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, ce qu’a reconnu son employeur officiel, ajoutant tout de même : « À Bruxelles, il était chargé de la sécurité du groupe. »
« Mais si Jean-Marie Le Pen n’y était pas, Thierry Légier n’était pas là non plus ? » a questionné la présidente du tribunal. « En effet », a reconnu le prévenu, penaud. Or, les contrats en question stipulent bien, comme l’a rappelé le tribunal, « la nature des tâches d’assistant parlementaire ouvrant (ou non) droit à prise en charge », et excluraient, selon l’accusation, les missions de sécurité.
Quant à la seconde, Micheline Bruna, elle était l’assistante personnelle de Jean-Marie Le Pen, travaillant dans son domaine de Montretout. « Elle était en charge du secrétariat, du courrier, des groupes de visiteurs et m’appelait quand Jean-Marie Le Pen souhaitait me voir, pour prendre rendez-vous », a détaillé Fernand Le Rachinel.
Pour autant, celui-ci a continué à se dire « consterné » de se retrouver devant la justice. D’une part, car, dit-il, « des députés de tous partis et de tous les pays fonctionnaient de la même façon ». D’autre part, car « le Parlement européen était au courant et aurait dû nous prévenir ».
Un argument qui a fait bondir la présidente : « Vous êtes chef d’entreprise dans une société, on a besoin de vous dire que c’est un abus de bien social de rémunérer quelqu’un qui travaille en fait pour l’entreprise de votre cousin ? » « Ce n’est pas comparable à une entreprise car l’argent aurait été dépensé de toute façon. Si Jean-Marie Le Pen avait mis les bons noms devant les bonnes cases, cette somme aurait de toute façon été dépensée », a-t-il revendiqué, remettant en cause l’idée d’un préjudice. En quittant la barre, Fernand Le Rachinel lâche un long souffle. Sa douloureuse audition est terminée, mais ses propos pourraient peser lourd à la fin de ces deux mois de procès.
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