Michel Barnier est un premier ministre qui sait recevoir. Invitant les syndicats de travailleurs la semaine dernière à Matignon, il avait écouté, pris note, s’était intéressé, sans trop en dire. Ses hôtes étaient sortis satisfaits de voir qu’après sept années de « cause toujours » sous Philippe, Castex, Borne et Attal, une ébauche d’attention semblait possible avec le vieux loup de droite.
Jusqu’à ce mercredi et la publication du cadrage des budgets publics pour 2025. « C’est presque dommage qu’il n’ait pas fait ses annonces avant la manifestation de mardi. On aurait eu encore plus de monde dans les rues ! C’est vraiment l’expression d’une droite très dure », ironise Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires.
Pire que Manuel Valls
La soupe à la grimace budgétaire présentée par Matignon et Bercy a dû électriser la réunion des leaders des grandes confédérations qui devait se tenir ce mercredi soir. En officialisant plus de 45 milliards d’euros de coupes dans les dépenses publiques, contre moins de 15 milliards d’euros de taxations provisoires sur les plus riches et les grandes entreprises, Michel Barnier a gagné le titre de grand équarrisseur de la protection sociale et des services publics.
Même Manuel Valls, recordman de France des coupes claires, avec 50 milliards d’euros d’économies dans le budget de 2014 à 2017, est battu à plate couture. Tout comme François Fillon et ses 11 milliards en 2012.
« Ce que Barnier présente, c’est pire que le plan Le Maire (15 milliards de gel de crédits – NDLR), résume Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT. Pour faire semblant d’être équilibré, il taxe provisoirement les plus riches et les grandes entreprises. Mais l’austérité qu’il impose dans les dépenses publiques ne sera pas, elle, remise en cause. Et elle est bien plus massive. »
Le « cadrage » transmis ce mercredi par Bercy au Haut Conseil des dépenses publiques pour avis, avant présentation au Conseil des ministres du 10 octobre, n’a qu’une visée, qui était déjà celle assignée à la réforme des retraites comme aux réformes successives de l’assurance-chômage : diminuer le ratio de dépenses publiques dans le PIB français.
Celui-ci passerait en un an de 56,8 points à 56,3 points. Pas grand-chose à première vue. Sauf que cette tendance va se faire ressentir très vite dans tous les budgets des services publics et de la Sécu, victimes expiatoires des dérapages budgétaires provoqués par les macronistes.
La Sécurité sociale comme première cible
Pour 2025, leurs dépenses diminueront de l’équivalent de 5 points de PIB. Mais le frein à main pourrait être tiré dès 2024, le gouvernement ne s’interdisant pas de recourir à un budget rectificatif. Quant aux années suivantes, elles seront du même acabit, Michel Barnier ayant mis ses pas dans ceux d’Attal et Le Maire, qui promettaient un retour du déficit public sous les 3 % en 2029.
Concrètement, les dépenses de l’État et de ses opérateurs vont baisser de plus de 20 milliards d’euros : aux 15 milliards déjà budgétés par le tandem Attal-Le Maire, s’ajouteront 5 autres milliards que devront trouver les parlementaires. La baisse des effectifs de fonctionnaires et contractuels touchera tous les ministères, excepté les régaliens.
Une « modération des dépenses » va aussi être imposée aux collectivités territoriales. Rien de « punitif », assure Bercy. Sauf que l’augmentation de leurs dépenses se « limitera à 0,4 point de PIB », bien en deçà de leurs missions à financer. Le gouvernement suivra-t-il la proposition de la Cour des comptes de sabrer 100 000 postes d’agents d’ici à 2030.
Quant à la Sécurité sociale, les coupes qui vont lui être infligées vont toucher tout le monde. Dont les retraités, à qui l’on assène un report de six mois de l’indexation de leurs pensions sur l’inflation, soit une baisse en euro constant de leurs revenus. Mais aussi toutes celles et ceux qui auront le malheur de tomber malade, puisque l’augmentation de 2,8 % de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie suivra tout juste l’inflation, mais pas du tout les besoins en soins et santé.
Au Parlement, dans les rangs de gauche, ce cadrage budgétaire a provoqué une double consternation. « Le vide de la déclaration de politique générale de mardi a été vu par certains comme de l’habileté. C’était en fait une forme de mépris et de contournement du Parlement », se désole Aurélien Rousseau, député Place publique.
« Les Français vont s’apercevoir que ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui vont subir cette politique. C’est le monde du travail qui va combler la dette creusée par les cadeaux du gouvernement aux plus riches pendant sept ans », résume le sénateur communiste Ian Brossat.
Le média que les milliardaires ne peuvent pas s’acheter
Nous ne sommes financés par aucun milliardaire. Et nous en sommes fiers ! Mais nous sommes confrontés à des défis financiers constants. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.Je veux en savoir plus !