Les CCAS de France tiennent leur Conseil ce jeudi 3 octobre à Montpellier. La crise du logement sera au coeur des échanges. Luc Carvounas, président de l’Union nationale des CCAS (Unccas), précise pour Midi Libre ses mesures pour une politique “efficace” de l’hébergement.
Les CCAS tiennent un Conseil national important à Montpellier, dans un contexte où la question sociale est au coeur de toutes les problématiques.
Absolument. Les premières annonces du nouveau gouvernement sur sa politique sociale ont de quoi nous inquiéter fortement, en particulier concernant le sort réservé aux territoires ultramarins. Le prochain projet de loi de finances prévoit une coupe de plus de 7 % dans les budgets ultramarins. Au moment où l’on entend parler de couvre-feu en Martinique, des exactions en Nouvelle-Calédonie, des problématiques sanitaires à Mayotte, le gouvernement choisit d’abandonner les plus démunis de nos compatriotes dans les territoires ultramarins, avec des coupes sombres de plus de 200 millions d’euros. Ma crainte est que les solidarités soient sacrifiées sur l’autel de la rigueur budgétaire, ce n’est tout simplement pas acceptable. C’est d’ailleurs déjà le cas.
Dans quel domaine précisément ?
Dans le domaine de l’hébergement d’urgence par exemple. Certains présidents de conseils départementaux n’ont plus les moyens d’héberger des familles avec des enfants. Dans le tour de France que je fais depuis quatre ans, je ne connais pas un président de CCAS qui ne prenne pas en compte la question du logement d’urgence, qui est pourtant une compétence régalienne de l’Etat. On assiste depuis trop d’années à un glissement de tous les sujets régaliens vers le bloc communal.
A quoi pensez-vous ?
Je pense au logement, évidemment, à la sécurité, mais aussi à la santé publique. Je ne connais pas une commune, de gauche, de droite, du centre, qui n’ait pas abondé d’une année sur l’autre la dotation à son CCAS, tout simplement parce que nous avons de plus en plus de nouveaux publics qui poussent la porte de nos établissements, ou certains de nos établissements, les retraités, les étudiants, et même des salariés. Dans cette crise sociale, les CCAS sont en première ligne.
“Notre matière, ce ne sont pas des chiffres, des croix et des colonnes, mais c’est de l’humain”
Clairement, sur ce sujet, qu’attendez-vous du gouvernement ?
Je peux déjà vous annoncer que l’Unccas va proposer à toutes les grandes associations d’élus locaux et de solidarité de signer une lettre qui sera adressée prochainement au Premier ministre pour lui demander d’installer une conférence du consensus qui réunira les acteurs associatifs du public et du privé, avec un message simple et précis, pas question de rester à la main des coupes sombres de Bercy et des tableaux Excel. Notre matière, ce ne sont pas des chiffres, des croix et des colonnes, mais c’est de l’humain, des femmes et des hommes. On n’a pas le droit de les laisser tomber, on doit se battre. Sur la question du logement, l’Etat nous a abandonné, c’est pourtant la priorité des Français. Pas celle du président de la République apparemment, c’est regrettable.
Le logement, vous l’avez dit, est la priorité des Français. C’est la préoccupation des organismes qui observent l’émergence de nouveaux profils dans les hébergements d’urgence. Vous dévoilerez ce jeudi une étude alarmante.
Exactement. On voit dans cette enquête réalisée par l’Unccas que les CCAS sont dans une obligation naturelle de répondre à la question du logement d’urgence. Aujourd’hui, on a 200 000 logements d’urgence en France, dont la très grande majorité en Ile-de-France. Mais ça ne suffit pas ! Que fait l’Etat des 3 000 enfants qui dorment dans la rue ? Rien ! Le logement doit redevenir une priorité du gouvernement.
“On est systématiquement en train de laisser ce pays se déliter en privilégiant des petites réponses à la petite semaine”
Sans argent, c’est compliqué…
Il n’y a pas d’argent magique, mais il y a de mauvaises solutions. Vous voulez un exemple concret ? Un voici un, la Cour des comptes a estimé dans un rapport récent que le caprice voulu par Gabriel Attal de la mise en œuvre du SNU pour 800 000 jeunes, va coûter au pays entre 3,5 milliards et 5 milliards d’euros par an. Croyez-vous que c’était si nécessaire ? J’aurais préféré que cet argent soit utilisé pour la dépendance et pour le Grand âge. Croyez-vous que la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, qui fait perdre à l’Etat 4 milliards par an au minimum, était une bonne décision ? Croyez-vous qu’après la suppression de la taxe d’habitation, il soit normal de faire supporter aux propriétaires les services publics du quotidien ? Non, non et non !
Une question sur le logement et peut être sur votre rôle dans les territoires ruraux. Une étude indique que la pauvreté et la précarité ont fortement augmenté dans le monde rural. Quelles solutions imaginez-vous ?
Depuis 2017, on est sur des politiques publiques low cost, ça suffit ! On n’a pas assez de médecins, donc on permet aux infirmiers et aux pharmaciens de faire des actes que les médecins sont seuls autorisés à faire. On n’a pas assez de professeurs, on fait des speed datings en expliquant qu’il y aura un enseignant dans chaque classe, ce qui est faux. On n’a pas assez de personnel de la petite enfance, on invente une formation de quatre mois low cost pour permettre à des adultes de garder des bébés. On est systématiquement en train de laisser ce pays se déliter en privilégiant des petites réponses à la petite semaine. Ce n’est pas ça gouverner un pays.
Propos recueillis par Olivier Biscaye