Le vernis féministe de Barbie est bien écaillé. Alors que la multinationale Mattel s’efforce de promouvoir une image inclusive et féministe de sa célèbre poupée, c’est un tout autre tableau que dépeignent Actionaid et China Labor Watch dans les coulisses de sa fabrication.
Chun (prénom modifié), présentée comme une « militante pour les droits humains », s’est fait embaucher dans l’usine de Chang’an, la seule à fabriquer des poupées Barbie en Chine, pour mener une enquête clandestine de deux mois. Le rapport publié vendredi 27 septembre détaille ce qu’elle a observé : des violations du droit du travail chinois et un harcèlement sexuel omniprésent à l’encontre des ouvrières.
Des conditions de travail empreintes de précarité et d’instabilité
L’usine, connue pour recruter quasi instantanément des travailleurs en manque d’emploi, tire profit de leur précarité pour leur imposer des conditions de travail hors de tout cadre légal, pointe le document. Première mise en cause : des salaires jugés insuffisants pour assumer le coût de la vie dans cette région.
Cette rémunération de base contraint les employés à multiplier les heures supplémentaires pour survivre. En moyenne, les salariés de la chaîne d’assemblage des poupées Barbie travaillent donc 60 heures par semaine, accumulant un nombre mensuel d’heures supplémentaires bien au-delà du maximum fixé par la loi chinoise.
Malgré ce rythme de travail, le salaire moyen, heures supplémentaires incluses, reste inférieur au montant du « salaire décent » permettant de vivre dans cette région, évalué à 651 euros par le Global Living Wage Coalition.
China Labor Watch suspecte même que ces heures supplémentaires soient imposées par l’entreprise aux employés qui ne sont pas volontaires. L’enquêtrice infiltrée témoigne : « Si les personnes insistent pour ne pas faire d’heures supp, les managers les poussent à démissionner de l’usine ». Une démarche qui s’explique par des objectifs de production jugés « irréalistes », avec des résultats quotidiens fixés entre 900 et 1 200 poupées.
Tout aussi alarmante, la sécurité des travailleurs semble mise en danger, d’après le rapport. Au cours de son enquête en infiltration, Chun remarque que « deux accidents de travail relativement graves ont eu lieu ». Les risques d’accidents sont accentués par le manque de matériel de protection à des substances dangereuses, la grande pénibilité du travail et le manque de temps de formation aux enjeux de santé et de sécurité.
« Des humiliations publiques fréquentes »
Bien que l’entreprise se soit dotée d’un code de conduite reconnaissant l’importance d’un espace libre de toute discrimination et de tout harcèlement, l’enquêtrice a constaté l’absence de sanction en cas de non-respect. « Les travailleuses sont nombreuses à rapporter des faits quotidiens de violences sexistes et sexuelles au sein de l’usine, dans les dortoirs et dans les alentours du bâtiment. Les auteurs de ces agressions, qu’ils soient simples employés ou responsables, ne semblent pas être inquiétés par la hiérarchie » explique-t-elle.
Ces violences font partie du quotidien des ouvrières. Sur leur lieu de travail, les humiliations publiques de la part des supérieurs hiérarchiques sont fréquentes. Sur leur lieu de vie, les dortoirs ne peuvent pas être fermés à clé, et la présence d’hommes dans les parties du bâtiment réservées aux femmes est courante.
Le cyberharcèlement sur les conversations professionnelles est venu aggraver la situation. Les travailleurs se permettent régulièrement d’y partager des photos des ouvrières sans leur accord, accompagnées de « commentaires sexuels dégradants ».
Cette enquête contraste nettement avec les engagements que la multinationale promeut dans sa communication institutionnelle. « Nous contrôlons et auditons régulièrement les usines manufacturières de notre chaîne d’approvisionnement pour leur respect de notre engagement en faveur d’une chaîne d’approvisionnement responsable », explique-t-elle sur son site web.
Critiquée pendant des décennies pour sa promotion des normes de beauté hégémoniques, l’entreprise américaine a multiplié les initiatives depuis les années 2010 pour redorer son image. En créant de nouvelles poupées voulues plus inclusives d’abord, puis en co-produisant le film « Barbie » qui prônait l’émancipation féminine.
Un écart entre marketing et réalité qui amène les collectifs à accuser la marque de « Féminisme Washing ». Un terme défini dans le rapport comme’une appropriation opportuniste, voire un détournement des principes et courants féministes, dans le but de doper les ventes et la consommation ». Contactée, Mattel n’a pas répondu à nos sollicitations.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.