Depuis le début du procès des viols de Mazan, vous avez mis en place des alertes nationales hebdomadaires contre le viol et l’inceste. En quoi consistent-elles ?
Nous avons décidé, durant le temps du procès Pelicot, d’organiser des rassemblements tous les samedis partout en France. Nous voulons évidemment apporter notre soutien à Gisèle Pelicot et à sa fille Caroline Darian et, plus généralement, à toutes les femmes et enfants victimes de viol.
En France, toutes les 2 minutes 30 a lieu un viol ou une tentative de viol. Et on estime que toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’inceste ou de violences sexuelles. Alors que les violences sexistes et sexuelles ont été déclarées grande cause du quinquennat, 210 000 viols ou tentatives de viol ont lieu chaque année. Moins d’un 1 % des violeurs sont condamnés en France et, ce, dans l’indifférence totale du gouvernement.
Nous nous opposons à une certaine presse qui présente le viol comme un simple fait divers et non comme un crime. 97 % des personnes condamnées pour viol en France sont des hommes. On voudrait nous faire croire que le violeur est un inconnu qui agit dans des parkings ou les quartiers mal famés.
Or 9 fois sur 10, les agresseurs sont connus des victimes. C’est un homme ordinaire, le bon père de famille. Nous voudrions rappeler que les violeurs ne sont pas des monstres mais des « monsieur-tout-le monde » imprégnés par la société patriarcale qui fait des femmes des objets que l’on peut utiliser et dominer à sa guise.
Pourquoi est-ce important, selon vous, de se mobiliser de cette façon ?
J’ai toujours en tête les rassemblements des femmes en Argentine qui dénonçaient, tous les jeudis, les enlèvements et les personnes disparues lors de la dictature. Nos rassemblements tirent leurs origines de cet acte de résistance. Nous aimerions que les hommes s’interrogent sur leurs comportements vis-à-vis des femmes. Se rassembler permet de dénoncer le mécanisme qui consiste faire porter la responsabilité du viol sur la victime en inversant la culpabilité.
Cette culture du viol se ressent jusque dans l’enceinte du Tribunal d’Avignon, où les avocats de la défense n’ont pas hésité à utiliser cette stratégie pour discréditer le témoignage de Gisèle Pelicot. Nous sommes un petit groupe de bénévoles. Nous espérons que nous serons de plus en plus nombreuses au fur et à mesure de l’avancée du procès. Toutes les avancées viennent de combats collectifs. Je suis persuadée que notre lutte finira par payer.
Qu’attendez-vous de cette mobilisation ?
Tous ces crimes ne sont pas une fatalité. Nous demandons, entre autres, qu’il y ait une modification de la loi pénale sur le viol et les agressions sexuelles, de façon à supprimer la présomption de consentement qu’elle induit. Si une victime ne réagit pas, c’est qu’elle est, bien souvent, sous emprise face à un agresseur qu’elle connaît. Nous voulons que la loi intègre la notion de consentement libre, éclairé, spécifique, enthousiaste et révocable.
Nous demandons que soient également mises en œuvre les recommandations de la Civiise en matière de lutte contre les violences sexuelles sur les enfants. Il est aussi nécessaire d’apporter un soutien financier aux associations qui accompagnent les victimes dans leur parcours de reconstruction. Et il est impératif d’assurer la formation des personnels de police et de justice pour bien accueillir les victimes et les aider dans leur parcours de réparation.
De même qu’il faut éduquer les enfants dès le plus jeune âge. Pour cela, l’État doit faire en sorte d’appliquer la loi de 2001 relative à l’information et l’éducation à la sexualité à l’école. Trois séances doivent être obligatoirement organisées du CP à la terminale. Or, aujourd’hui, il n’en est rien.
Ce programme nécessite d’importants besoins financiers que nous estimons à hauteur de 2,6 milliards d’euros. Sans une réelle volonté politique, nous continuerons à avoir des procès comme celui de Mazan. L’État doit prendre la mesure de l’ampleur des violences sexistes et sexuelles. Il y a urgence !
Avant de partir, une dernière chose…
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