Deux ans après l’engagement « Zéro enfant dans la rue », ils n’y ont jamais été si nombreux. Le baromètre 2024 de l’Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) recense une augmentation de 120 % des enfants sans toit en quatre ans.
Pourtant un investissement d’une centaine de millions d’euros avait été promis par le gouvernement en janvier. Mais ils n’ont toujours pas été injectés dans les structures associatives, huit mois après. Un manquement que dénonce Marie-Charlotte Garin.
La députée Les Écologistes réclame donc de connaître la répartition de la somme d’argent entre les différents acteurs associatifs et institutionnels, les échéances de mise en place et le nombre de places d’hébergement effectivement créées. Au sein de sa circonscription du Rhône, neuf écoles se transforment la nuit en refuge pour les jeunes et leurs parents sans domicile, faute de mieux.
Le 8 janvier, le ministre délégué au Logement de l’époque, Patrice Vergriete, promettait un investissement de l’État à hauteur de 120 millions d’euros, soit 10 000 places d’hébergement d’urgence. Depuis, qu’en est-il ?
Avec les autres forces de gauche, nous avons gagné plusieurs batailles à ce sujet. D’abord, nous avons empêché le recul du nombre de places dans le parc d’hébergements d’urgence. L’année suivante, nous avons obtenu une promesse d’investissement de 120 millions d’euros.
Nous avons appuyé de multiples demandes pour comprendre comment le découpage de cette somme serait effectué et sa temporalité de versement. Mais gros hic : personne n’en a jamais vu la couleur. Les associations de terrains lancent une alerte à ce sujet. À titre d’exemple, le Samu social de Lyon n’a pas reçu un centime.
Les travailleurs sociaux se retrouvent en grande difficulté, sans moyen pour répondre aux besoins du public. La profession fait face à une grande détresse et une grave fragilité budgétaire. Ils subissent des conditions de travail extrêmement difficiles, orchestrées par le pouvoir politique lui-même.
Le baromètre de l’Unicef indique des chiffres dramatiques : à la veille de la rentrée scolaire, ils sont 2 043 enfants à dormir dans la rue. Ce chiffre est sous-estimé car les jeunes concernés par cette enquête sont ceux pour qui le Samu social n’a pas trouvé de solution d’hébergement. Or un grand nombre de familles ne composent plus le 115 car elles savent, par avance, qu’elles n’auront pas de possibilité de logement.
Cet engagement a pourtant été réaffirmé par deux fois dans l’hémicycle : le 17 janvier par Christophe Béchu, alors ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, et le 3 avril par Guillaume Kasbarian, délégué au Logement. Comment expliquer que rien ne se soit concrétisé ?
Les ministres sont démagogiques à souhait. Lorsque le sujet des enfants à la rue est abordé, ils savent que les réactions sont unanimes : c’est inadmissible. Cette situation choque. Ils s’achètent alors une bonne conscience en promettant des moyens.
On sait très bien que les 120 millions ne sont qu’un pansement, une goutte d’eau face au tsunami. C’est pourquoi il faut urgemment travailler sur la construction de logements sociaux, sur l’accès au logement, et sur leur réquisition des logements vides pour mettre les personnes à l’abri.
Il est aussi nécessaire de les accueillir convenablement, ce qui n’est vraiment pas la direction prise par le gouvernement Barnier. Ce qui se passe vient complètement désavouer la promesse d’Emmanuel Macron de « Zéro enfant dans la rue ». La hausse de la précarisation des populations est d’ailleurs causée par ses politiques ultralibérales.
Selon la doctrine macroniste, tout se déroule comme prévu : un pouvoir d’achat en baisse, de plus en plus de personnes qui se retrouvent dans la rue et des expulsions facilitées par la loi Kasbarian. Le cocktail est explosif et les premiers à trinquer sont les enfants et les femmes qui dorment dehors.
À Lyon, les établissements scolaires sont de plus en plus nombreux à devenir la nuit des refuges pour des personnes sans domicile, chaque année. Et ce, de plus en plus tôt. C’est une honte nationale et nous n’avons aucune réponse de l’État.
Quelles actions envisagez-vous ?
Nous devons nous mobiliser de manière transpartisane et réfléchir à une stratégie commune pour faire bouger le gouvernement à ce sujet. Il nous faut acter un dépassement des clivages politiques et travailler à une proposition de résolution sur le sujet. Il faudrait déclarer la question du sans-abrisme comme grande cause nationale.
Et obtenir enfin une politique efficace en termes de logement. Or nous savons que l’exécutif Barnier souhaite faire des économies budgétaires considérables. Les personnes les plus vulnérables ne sont clairement pas leur priorité.
Vous aviez proposé un budget de 160 millions d’euros à l’Assemblée nationale, en novembre dernier. Au final, cette somme avait été revue à la baisse par le gouvernement, avec un rabotage de 40 millions d’euros.
La concertation avec les associations nous a permis de définir cette somme de 160 millions d’euros. Même si le gouvernement a réduit cette somme initiale, nous sommes face à une situation tellement désespérée qu’il s’agissait d’une énorme victoire d’obtenir 120 millions d’euros. Cette victoire s’est transformée en peau de chagrin. Et pourtant, sur le terrain, de plus en plus d’enfants dorment à même la rue.
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