Paul Christophe sera-t-il le deus ex machina des TUC ? Comme au théâtre, où des divinités descendent parfois du ciel pour dénouer les plus inextricables tragédies humaines, la mise en scène de la nomination du gouvernement Barnier a réservé une surprise de taille aux anciens titulaires de ces « travaux d’utilité collective ».
Le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui a pris ses fonctions ce lundi, n’est autre que Paul Christophe. En 2022, le député Horizons du Nord avait mené avec son homologue socialiste Arthur Delaporte une mission flash pour permettre à ces travailleurs en contrat aidé de débloquer enfin leurs droits à la retraite.
Avant ce travail parlementaire, qui avait débouché dans la réforme des retraites de 2023 sur un article de loi censé réparer le scandale, les TUC, mais aussi toutes les personnes en stages en entreprise « d’initiation à la vie professionnelle » et « jeunes volontaires », selon le plan Barre, n’avaient droit à rien.
Un deuxième effet pas cool pour ces 16-21 et 22-25 ans privés d’emploi de l’époque, à qui l’on avait proposé entre 1984 et 1990 ce genre de contrat dérogatoire au Code du travail qui, au titre du « traitement social du chômage », leur donnait accès à un travail dans une association, rémunéré par l’État à hauteur de 350 euros actuels par mois. Bien loin du Smic de l’époque.
40 ans plus tard, aucun trimestre validé
Parvenue à l’âge de départ, quarante ans plus tard, cette génération s’est vite rendu compte en parcourant son relevé de carrière que les deux années au maximum passées en travaux d’utilité collective ne validaient aucun trimestre. Un collectif s’est alors créé pour crier à l’injustice.
La mission flash a ouvert le chemin à la reconnaissance de droits à pension que le ministre du travail Olivier Dussopt s’est fait fort de graver dans le marbre législatif, en glissant un article dans sa réforme des 64 ans. Une petite douceur pour faire passer ce recul social de brute.
Deux décrets publiés en août 2023 ont bien mis en musique cette contrepartie. Depuis, les trimestres passés en contrat aidé sont bien comptabilisés dans les 43 annuités, sésame pour le déclenchement des droits à retraite. Le montant de la pension peut aussi s’en trouver amélioré : autour de 57 euros par mois pour une personne ayant travaillé un an sous statut TUC avant de poursuivre sa carrière au Smic.
Un million de personnes évincé du dispositif « carrière longue »
Mais un nouveau couac a retenti. Ces trimestres comptabilisés sont dits « assimilés », non cotisés. Une différence administrative de taille qui éjecte les TUC de la possibilité de partir dans le cadre du dispositif « carrière longue ». Autrement dit, même s’il a commencé dès l’âge de 16 ans, un ancien TUC qui disposerait de ses 172 trimestres doit quand même attendre de souffler ses 64 bougies pour partir.
De quoi faire bondir l’association TUC-les Oubliés de la retraite, qui mène depuis quatre ans le combat. « Plus de 70 % de nos adhérents ont été en contrat entre 16 et 20 ans. Si on globalise, ça fait aux alentours d’un million de personnes à qui l’on dit que leurs années passées au service de l’intérêt général ne comptent pour rien. C’est une belle injustice », dénonce Yves Coussement, trésorier du collectif.
On pourrait déceler derrière ce fâcheux oubli technocratique une mesure d’économie. La mission flash avait noté qu’« en fonction du taux de recours des personnes concernées, le coût total du dispositif de prise en compte des contrats aidés pourrait représenter entre 350 millions et 3,5 milliards d’euros, avec un pic annuel estimé entre 25 et 250 millions d’euros en 2030. »
La balle est dans le camp du nouveau ministre
Yves Coussement repousse l’argument financier : « On sait que seules 10 % à 12 % des personnes concernées pourraient réclamer de passer en carrière longue. Au vu des 345 milliards d’euros de dépenses annuelles du système de retraite universel, ça passe ».
L’association des Oubliés de la retraite a déposé en juin un recours devant le Conseil d’État pour que les décrets d’application de la réforme de 2023 soient revus.
Depuis la rentrée, elle a relancé sa campagne auprès des nouveaux députés. Elle a par ailleurs bien entendu dimanche Michel Barnier évoquer les carrières longues comme domaine amendable de la réforme Borne-Dussopt, ou ce lundi la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, expliquer vouloir « rendre la dernière réforme des retraites peut-être plus soutenable pour tous ».
Son collègue aux Solidarités, Paul Christophe, plaidera-t-il auprès d’elle en faveur des TUC ? Une chose est sûre : toute modification de la réforme prendra du temps. Autant l’abroger, comme le revendiquent tous les syndicats.
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