Quelle est la situation de l’enseignement supérieur en cette rentrée ?
Anne Roger
Cosecrétaire générale du Snesup-FSU
Nous parlons d’un « précipice austéritaire ». Dans les lettres de cadrage envoyées au ministère, le budget alloué à l’enseignement supérieur et à la recherche subirait une baisse de 400 millions d’euros. C’est une véritable catastrophe que l’on nous annonce.
Sur le plan financier, le nombre d’établissements en déficit ne cesse d’augmenter : selon France Universités, 21 étaient dans ce cas en 2022, puis 27 en 2023. Mais si la trajectoire budgétaire se confirme, c’est 60 universités (sur 75 – NDLR) qui risquent de se retrouver en déficit cette année ; 400 millions en moins, cela représente de quoi financer deux universités de 25 000 étudiants chacune.
Quelles sont les conséquences concrètes de ce sous-financement ?
La plupart des universités vont devoir trouver entre 3 et 20 millions d’euros pour boucler leur budget. Certaines ont dû réduire leur budget de fonctionnement de 20 %. L’impact sur les conditions de travail est immédiat : on ne donne plus d’ordre de mission hors du département, par exemple – donc plus de cours ailleurs, plus de colloques, fini ! On rogne sur certains acquis sociaux des personnels.
Certaines risquent d’avoir du mal à payer le chauffage cet hiver, après des hausses vertigineuses. J’ai en tête l’exemple de l’université de Clermont-Ferrand, dont la facture de chauffage est passée, entre 2022 et 2023, de 7 à 20 millions d’euros ! Et comme on ne cesse de reporter les travaux, notamment ceux destinés à assurer la transition énergétique et environnementale, ces factures-là ne peuvent pas baisser.
D’autres mesures ont un impact direct sur la qualité des formations. C’est le cas quand on réduit les investissements informatiques, ou quand on ferme des groupes de TD (travaux dirigés – NDLR), ce qui réduit les capacités d’accueil ou oblige – quand les bâtiments le permettent – à entasser presque 40 étudiants dans une salle.
On réduit les recrutements de personnel BIATSS (bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé), alors qu’ils sont indispensables pour faire fonctionner nos universités.
Et pour les enseignants-chercheurs ?
Les nombreux départs en retraite sont de moins en moins remplacés par des personnels titulaires, remplacés par des Ater (doctorants employés comme attachés temporaires d’enseignement et de recherche – NDLR) ou des vacataires. Les cours sont assurés, mais du coup nous avons de plus en plus de mal à trouver des responsables de formation et de recherche – et cela charge encore plus la barque de ceux qui restent.
L’autre aspect de ce manque de recrutement, c’est que les personnels titulaires, maîtres de conférences ou professeurs d’universités, sont amenés à ajouter de plus en plus d’heures complémentaires à leur service normal d’enseignement. La recherche en pâtit directement, et on dispose de moins en moins de temps pour préparer les cours : la qualité de l’enseignement peut en pâtir.
Pour la même raison, le travail en équipe devient compliqué, a fortiori avec l’éclatement des sites dans de nombreuses universités, le développement du distanciel et le va-et-vient des vacataires qui viennent faire cours et puis repartent. Suivre les projets est devenu difficile.
Que vous inspire l’arrivée de Patrick Hetzel au ministère ?
C’est un professeur d’université, ancien recteur, ancien directeur de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle dans ce même ministère : il connaît la maison ! Dans un article de 2022, il avait exposé son projet pour l’ESR : parachever l’autonomie avec une gouvernance forte, « débureaucratiser », admettre que le privé fasse partie intégrante de l’enseignement supérieur… C’est « à droite toute », à l’image de ce gouvernement.
C’est quelqu’un qui prône sans la moindre ambiguïté une université à deux vitesses, avec quelques pôles d’excellence et, pour le reste, des sortes de collèges universitaires, où l’on ne délivrerait guère de diplômes au-delà de la licence et où les maîtres mots seraient apprentissage, alternance, employabilité. Son arrivée n’est ni une bonne nouvelle ni un bon signal.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
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