Une déception, mais pas une surprise. Le commissaire Grégoire Chassaing, seul poursuivi pour la mort de Steve Maia Caniço, noyé dans la Loire après une intervention de police durant la Fête de la musique à Nantes en 2019, a été « relaxé », vendredi 20 septembre, par le tribunal correctionnel de Rennes. Dans sa décision, la justice a bien considéré comme « établi » le « lien de causalité » entre, d’un côté, l’action pilotée par Grégoire Chassaing dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, et de l’autre, la chute dans la Loire de l’animateur périscolaire de 24 ans. Mais elle a estimé que cette action ne constituait pas une « faute caractérisée », condition sine qua non pour prononcer une condamnation.
« Une grande souffrance » pour la famille de Steve, digne malgré la déception
« C’est une déception, et une grande souffrance pour mes clients », a réagi Me Cécile de Oliveira, avocate de la famille de Steve. « L’enquête de l’IGPN avait conclu à des fautes et je n’ai pas entendu dans les motivations du jugement, qui ont été lues à l’audience aujourd’hui – ce qui est rare -, des éléments expliquant pourquoi cette ‘faute caractérisée’ n’était pas retenue. Ensuite, il ne s’agit que d’un jugement de première instance. Le parquet a dix jours pour faire appel. »
Présents au tribunal de Rennes, la famille mais aussi les amis de Steve Maia Caniço sont restés d’une totale dignité à l’annonce de cette décision douloureuse pour eux, comme ils l’avaient été tout au long de l’audience de juin dernier.
De son côté, la défense de Grégoire Chassaing a logiquement salué « une immense victoire ». « Depuis le premier jour, je savais que le droit était de notre côté, même si je craignais aussi une décision de compromis, condamnant mon client, en lui infligeant une simple peine de principe, comme l’avait réclamé le parquet », a expliqué Me Louis Cailliez. Il n’y a pas eu de compromis, mais une relaxe claire et nette.
« Pour Grégoire Chassaing, c’est une délivrance, une allégresse, une libération indescriptible, après avoir été traité d’assassin pendant cinq ans », confie l’avocat. Le représentant de la défense ne voit d’ailleurs pas sur quelles bases le parquet, seul décisionnaire en la matière, pourrait désormais faire appel. « Ce jugement n’est pas un camouflet pour la famille, mais un jugement conforme au droit », assure Me Cailliez.
Au procès, l’accusation avait presque tendu la main à la défense
La semaine d’audience, organisée il y a trois mois en pleine tourmente politique post-dissolution, avait préparé les esprits à cette issue. Le 13 juin, dans un réquisitoire à deux voix quelque peu déroutant, l’accusation avait très timidement réclamé la condamnation du fonctionnaire de police de 54 ans. Certes, pour les représentants du parquet, Grégoire Chassaing avait bien « conduit une action collective », qui « a abouti in fine au décès de Steve ».
Une action pendant laquelle le policier « a manqué gravement de discernement » et qui constitue selon eux une « faute caractérisée ». Sauf que pour ces faits, passibles en théorie d’une peine de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende, le procureur Philippe Astruc n’avait donc requis, en juin, qu’une « peine de principe ».
Un procédé très inhabituel et presque une main tendue à la défense du commissaire, aujourd’hui chef de circonscription à Lyon. Pendant toute l’audience, le ministère public avait également multiplié les marques de déférence à l’égard de l’institution policière et de ses représentants, concentrant ses attaques les plus vives contre d’autres acteurs de cette triste nuit de juin 2019, comme le DJ du 9e Sound System (qui avait refusé d’éteindre la musique à l’heure dite), ou les organisateurs de l’événement (mairie de Nantes, préfecture), fustigés pour le choix du lieu, en bord de Loire, et le manque de barriérage de protection.
« Le bouc émissaire a disparu »
« N’ajoutez une injustice à tout ce qui s’est passé ce soir-là », avait de son côté réclamé l’avocat du commissaire, lors de sa plaidoirie. Qui se réjouit aujourd’hui d’avoir été « entendu ». « La mort de Steve est due à un enchaînement de faits, de malchances successives. C’est une erreur du ministère public et des parties civiles d’avoir tout focalisé sur Grégoire Chassaing, qui, s’il avait été condamné, n’aurait été qu’un bouc émissaire. Aujourd’hui, le bouc émissaire a disparu, et c’est justice », estime Me Cailliez.
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