Un nouvel exemple de dissimulation de la vérité lors de cas d’agressions sexuelles. Le pape François a assuré que le Vatican avait connaissance des accusations à l’encontre de l’abbé Pierre au moins « après [s] a mort » en 2007 à l’âge de 94 ans, lors d’une conférence de presse, ce vendredi 13 septembre, qualifiant le fondateur d’Emmaüs de « terrible pécheur », et assurant que « les agressions sexuelles contre les enfants et les mineurs sont un crime ! C’est une honte ! ».
Des déclarations capitales, puisqu’il s’agit de la première fois que le pape François s’exprime depuis, près de deux mois plus tôt, les accusations de faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles révélées au grand public. En outre, la lecture de la correspondance de l’abbé Pierre avait révélé, début septembre, que l’abbé Pierre menaçait certains de ceux qui l’accusaient d’agressions sexuelles.
« On ne doit pas dire : couvrons, couvrons pour que ça ne se voie pas »
« Que savait le Vatican de l’abbé Pierre ? Je ne sais pas quand le Vatican l’a appris (…). Je ne sais pas parce que je n’étais pas ici (pape), et ça ne m’est pas venu à l’esprit d’effectuer une recherche sur cela », a déclaré François à bord de l’avion le ramenant à Rome, au retour de sa tournée en Asie-Pacifique. « Certainement, après [s] a mort, c’est sûr. Mais avant, je ne sais pas », a-t-il répondu à une question du quotidien Le Monde. « Les agressions sexuelles contre les enfants et les mineurs sont un crime ! C’est une honte ! », a-t-il également déclaré.
Le pape François a estimé qu’il s’agissait d’un dossier « très douloureux, très délicat ». « Les gens bons, les gens, les gens qui font le bien – tu as cité l’abbé Pierre – plus tard, malgré tout le bien (qu’il a fait), on découvre que cette personne est un terrible pécheur. C’est notre condition humaine », a déclaré le pape argentin.
« On ne doit pas dire : couvrons, couvrons pour que ça ne se voie pas ! Les péchés publics sont publics. Et ils doivent être condamnés. L’abbé Pierre est un homme qui a fait tant de bien, mais c’est aussi un pécheur », a-t-il ajouté. « On doit être clairs sur ces choses, ne pas dissimuler, le travail contre les agressions est une chose que nous devons tous faire. Pas seulement contre les agressions sexuelles, mais contre tout type d’abus : l’abus social, l’abus éducatif, changer la mentalité des gens, attenter à la liberté… l’abus est, à mes yeux, une chose démoniaque ! » a-t-il poursuivi.
Le chef de l’Église catholique a ajouté : « Car tout type d’abus détruit la dignité de la personne. Tout type d’abus cherche à détruire ce que nous sommes tous : l’image de Dieu. Je suis heureux quand ces cas sortent (sont rendus publics) ».
« La figure de l’abbé Pierre était trop forte »
Grâce à la lecture de la correspondance de l’abbé Pierre, la cellule investigation de Radio France avait révélé, début septembre, qu’il menaçait certains de ceux qui l’accusaient d’agressions sexuelles. D’autres courriers de personnalités que l’Église mettent en lumière la nomination d’un « socius », officieusement chargé de surveiller l’abbé Pierre, qui lui avait notamment demandé de se mettre à l’isolement, sur décision de son supérieur.
Pour Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), « on ne peut sérieusement imaginer une seconde que cela s’est fait à l’insu de tout le monde. Sur une figure aussi connue, aussi publique, aussi repérée, c’est impossible ».
Mais il fallait sans doute « protéger la naissance de ce qui allait s’appeler Emmaüs » a déclaré auprès de l’AFP la religieuse, selon qui « la figure de l’abbé Pierre était trop forte et le mouvement trop important pour aller au-delà de décisions de conscience personnelle ».
Des révélations d’agressions sexuelles
Les déclarations du Pape François interviennent près de deux mois précédant la première onde de choc après un rapport dévoilé par le Mouvement Emmaüs et confié au groupe Egaé, mercredi 17 juillet. Le document mettait au jour des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre, entre la fin des années 1970 et 2005.
Sept semaines après les premières révélations, de nouvelles femmes avaient témoigné. Dix-sept nouvelles dénonciations accablantes d’agressions sexuelles et de viol à l’encontre de l’abbé Pierre avaient été dévoilées, via un rapport résultant du dispositif d’écoute du cabinet spécialisé indépendant Egaé. Les femmes qui témoignent dans ce nouveau rapport, sur une période allant cette fois-ci des années 1950 à 2005 rapportent des baisers volés, attouchements, fellations et masturbations imposées, propos à connotation sexuelle – parfois sur des mineures.
Les faits relatés se sont déroulés en France, mais aussi à l’étranger (Suisse, États-Unis, Québec, Maroc…). Suite à tous ces nouveaux témoignages, la Fondation abbé Pierre a annoncé avoir « initié » des démarches pour changer de nom.
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