Par Maryse Dumas, syndicaliste
Créer une « école du parti », pour affûter les « militants ». « Professionnaliser le militantisme » à l’appui d’une « doctrine » en cours d’élaboration qui vise le long terme et pas seulement les réactions au coup par coup… Vous me croyez en train de définir des axes stratégiques pour un nouveau parti marxiste-léniniste ? Vous avez tout faux. Je ne fais que vous rapporter le contenu des dernières rencontres des entreprises organisées par le Medef les 26 et 27 août. L’article du journal « l’Opinion » qui en fait état est titré « Le Medef en nouveau front patronal », tout un programme… André Bousser, président de l’Union des entreprises de Moselle cité par « l’Humanité » du 28 août, résume très bien l’affaire : « Moi je veux une CGT des patrons qui défend vraiment nos intérêts », dit-il, propos que la vraie CGT ne peut ressentir que comme un hommage du vice à la vertu. Organisées à l’hippodrome de Longchamp, les rencontres ne respiraient pas la sobriété économique pourtant fortement exigée des dépenses publiques et du traitement des salariés… De toute évidence Patrick Martin, récemment élu président du Medef, veut imprimer de sa marque l’organisation qu’il dirige. Un autre avant lui avait eu des ambitions similaires. Il était d’ailleurs invité et présent à ces rencontres. Il s’agit d’Ernest-Antoine Seillière, président fondateur du Medef. Avec son acolyte Denis Kessler, décédé depuis, ils avaient en 1999, non seulement fondé le Medef en lieu et place de l’ancien CNPF mais ils lui avaient aussi assigné pour mission une « refondation sociale » définie comme la mise en cause en tous domaines « du compromis social issu de la Libération ». Entendez par là, les garanties collectives des salariés, la protection sociale et les retraites, le droit du travail et les services publics et statuts. Feu le CNPF ayant échoué à empêcher, face au gouvernement de gauche plurielle, l’avènement des 35 heures, les dirigeants du Medef ne se cachaient pas de vouloir doter la droite d’un nouveau corpus idéologique. C’est dans ce contexte que Denis Kessler créa les universités d’été du Medef, à l’époque sur le campus de la grande école de commerce HEC. Les rencontres de Longchamp de cette année en sont donc les continuatrices autant dans les formes retenues que dans les ambitions affichées. Le fil conducteur en était « le pouvoir ». On devine l’angoisse du patronat à l’idée qu’une première ministre du Nouveau Front populaire aurait pu conduire la politique du pays. Mais, dès l’ouverture, il avait pu se rassurer sur les intentions du président de la République. Pas d’autre nuage dans ce ciel serein, puisque le RN ne lui cause pas de souci : il ne s’oppose pas au marché. La notion de pouvoir a donc été décortiquée sous toutes ses formes, sauf deux aspects totalement écartés : le pouvoir (et son partage) dans l’entreprise d’une part, le pouvoir économique d’autre part. Chasse gardée patronale s’il en est, le Medef ne veut même pas envisager que les salariés aient voix au chapitre quant à la conduite des entreprises. Quant au pouvoir économique, il préfère le laisser dans l’ombre à un moment où tout démontre que c’est lui qui impose sa loi au politique et non l’inverse. Dans un moment où toute l’attention du pays est rivée sur l’Assemblée nationale et le gouvernement, le pouvoir économique, lui, n’a pas la moindre inquiétude. À quand une formation idéologique des patrons pour les préparer à ce que ces pouvoirs-là soient renversés ?