Les jeunes placés en protection de l’enfance souffrent d’inégalités de destins et d’opportunités scolaires et professionnelles par rapport aux autres jeunes, même issus de familles dans lesquelles les parents ne travaillent pas. C’est ce que révèle Cédric Audenis, commissaire général par intérim de France Stratégie, et ses collègues, dans une note d’analyse publiée mardi 10 septembre à la suite d’une conférence de presse.
À partir d’enquêtes statistiques, d’auditions des publics concernés et de recherches qualitatives sur les parcours des enfants placés, le centre de recherche dresse un tableau de leur mobilité sociale en tant que jeunes adultes. Ils nous livrent une clé de lecture des écarts qui se creusent entre trois catégories : ce public, les jeunes de leur âge dont les parents travaillent et ceux qui grandissent dans des familles marquées par le chômage.
Une scolarité bousculée
Selon France Stratégie, 28 % des jeunes placés à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) se tournent vers l’enseignement spécialisé contre 4 % pour l’ensemble des jeunes, soit 7 fois plus. Ils connaissent des retards scolaires, en particulier pour la lecture, l’écriture et mathématiques. 24 % d’entre eux subissent des périodes de déscolarisation, surtout l’année de leur placement. Mais même avant leur éloignement des familles biologiques, leurs conditions de vie perturbent leurs apprentissages.
Leur taux de redoublements à l’école primaire et au collège est, selon ELAP, (étude sur l’accès à l’autonomie des jeunes placés), comparable à ceux des jeunes issus de familles inactives (40 contre 42 %). Mais il est plus de deux fois supérieur à celui de l’ensemble des jeunes (16 %).
Les jeunes de l’ASE sont aussi sept fois plus en situation de handicap que dans la population générale du même âge. Cette particularité s’explique par les difficultés familiales, notamment les situations de maltraitance qui surexposent aux troubles psychiques et qui sont en général, la cause du placement, mais aussi par un retard dans la prise en charge.
Une entrée prématurée dans la vie active
Que ce soit en famille d’accueil ou en placements institutionnels, les jeunes placés sont poussés à s’autonomiser le plus tôt possible. Les professionnels de la protection de l’enfance les orientent vers des cycles scolaires courts, censés leur assurer une insertion sociale et professionnelle rapide. Résultat, ils obtiennent beaucoup plus fréquemment un CAP ou un BEP que l’ensemble des jeunes du même âge (30 % contre 13 %) mais sont moins souvent sans diplôme que ceux issus de familles inactives (17 % contre 30 %), souligne l’enquête ELAP.
Leur envie de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle est très forte et parfois – trop – rapide : c’est le groupe de jeunes parmi lequel il y a le moins d’inactifs. Même s’ils ont envie de continuer des études, ils ne peuvent le faire en raison de leur situation économique, comme l’ont confié certains d’entre eux interrogés par France Stratégie. La possibilité de bénéficier d’un contrat jeune majeur, qui leur permet de continuer à les aider financièrement jusqu’à leurs 21 ans, permet de contrebalancer en partie ce déterminisme.
Mais jusque-là, son versement est laissé à la seule appréciation des départements, qui ne sont pas tous volontaires pour apporter leur soutien. On peut espérer que la « loi Taquet » de février 2022, qui en principe les contraints à offrir cette possibilité à tous les jeunes sortant de l’ASE, leur permette d’échapper en partie à ce déterminisme et leur offre plus de liberté professionnelle.
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