Le conseil a mis fin à certaines délégations de Cédric Raja. Son fauteuil de maire a des allures de coquille vide.
Bouzigues, ton univers impitoyable ! Le feuilleton politique continue dans la cité de l’huître. On savait que l’ex-majorité du maire, Cédric Raja, s’était retournée contre lui, le plaçant en minorité dans son propre conseil. Le vote du budget s’en était trouvé empêché, obligeant le préfet à le rendre exécutoire fin mai, sur avis de la Chambre régionale des comptes.
Politiquement, cela faisait déjà beaucoup pour la commune de 1 600 habitants. Eh bien voilà que le conseil municipal, réuni en séance le 20 août, a mis fin à certaines délégations accordées au maire en vertu de l’article L2122-22 du Code général des collectivités. Par dix voix contre six, Cédric Raja s’est vu déposséder d’une vingtaine de compétences. Échec et mat !
Ces prérogatives “n’étaient pas exercées dans le respect de l’intérêt général, ni afin d’exécuter le programme pour lequel la majorité a été élue en mars 2020, sans compter l’absence totale de consultation et de concertation”, résume une partie de la nouvelle opposition (ou ex-majorité, c’est selon).
En minorité et privé de préempter, d’emprunter, de demander des subventions…
Concrètement, Cédric Raja ne peut plus procéder à tous les actes de délimitation des propriétés communales. Il est interdit de réaliser des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget. Il est empêché de prendre toute décision concernant la préparation et l’exécution des marchés et accords-cadres. Il n’exercera plus les droits de préemption définis par le Code de l’urbanisme et n’aura plus le droit d’intenter des actions ou défendre la commune devant les juridictions administratives et judiciaires… Il n’a même plus pouvoir pour demander l’attribution de subventions pour toute action communale.
Bref, le fauteuil de Cédric Raja ne ressemble, ni plus ni moins, qu’à une coquille vide. “On a souhaité revenir à la base, justifie Pierre Bras, deuxième adjoint passé “de l’autre côté” depuis l’élection du maire en 2020. Le principe d’une démocratie locale, ce n’est pas que le maire ait le pouvoir, mais que le conseil ait le pouvoir. Il est prévu qu’on délègue des pouvoirs au maire. Or, depuis trop longtemps, il prend des actes sans nous consulter. On opère un simple rappel des institutions. On protège la commune contre des décisions prises n’importe comment.”
Cédric Raja : “On me retire le stylo pour signer les chèques”
“Je regrette qu’on politise ainsi la vie d’un village de 1600 habitants. En décembre, avec le budget non voté, on m’a enlevé le chéquier. Le préfet me l’a rendu. Là, on m’enlève le stylo pour signer les chèques. On me bloque pour ne pas que je mette en œuvre les projets. Mais c’est l’administration qui va s’en trouver paralysée, c’est injuste pour les gens qui travaillent dans les services. Personne ne comprend. Je ne vois pas où est l’intérêt général avec de tels agissements. Imaginez : je vais devoir convoquer un conseil pour la simple crevaison d’une tondeuse, acheter du papier toilette ou une ramette de papier… Car le moindre euro engagé est une commande publique ! Pour eux, le pouvoir c’est décider si on répare la roue d’une tondeuse. Mais le maire est seul chef de l’administration, de l’urbanisme, de la police et de la justice. Ça, le conseil municipal ne l’exerce pas. Ils voudraient que je sois ventriloque. Mais ça ne se passera pas comme ça.”
“On me pousse à la démission, il y a une cabale après moi. Je leur ai proposé de démissionner, et eux avec, pour provoquer des élections et revoter. Ils ont refusé. En même temps, faut-il vraiment laisser ce genre de personnages aux affaires ?Moi, je voulais rendre service, faire de beaux projets pour mon village. Mon erreur a été de laisser entrer des propriétaires fonciers dans mon équipe. J’ai été trahi, au même titre que les Bouzigauds, pensant qu’ils ne venaient pas pour leurs intérêts personnels. Sauf que lorsqu’il a fallu dire non, j’ai dit non. Je n’ai pas dit oui pour acheter la paix.”
“Le conseil décidera, le maire exécutera”
Désormais, “le conseil va prendre des décisions et le maire exécutera”, défend l’opposition, quitte à flirter parfois avec la surenchère. “Il faut voir le maire comme un administrateur, qui expédie les affaires courantes, qui distribue les tâches, appuie Pierre Bras, maintenu dans ses fonctions d’adjoint le 26 juin dernier, alors que le maire avait demandé que cette fonction lui soit retirée… On veut protéger le village contre l’immobilisme, décider des choix en transparence, pour les marchés, les projets, l’urbanisme… On veut revenir à une discussion entre élus.”
Craignant d’être vus “comme des irresponsables” se laissant aller aux règlements de comptes personnels, les opposants assurent qu’ils exercent tous “des fonctions à responsabilité” dans leur vie privée. “On sait comment le droit fonctionne, souligne Pierre Bras. Concrètement, on signera les marchés, on rénovera, on lancera des projets. En 18 mois, il reste des choses à faire.” Jusqu’à pousser Cédric Raja à la démission ? “Ce n’est pas l’objectif”, réfute Pierre Bras.