Vingt-huit ans après les plaintes de victimes déposées à l’encontre du groupe de production d’amiante Eternit, la Cour de cassation a définitivement confirmé le non-lieu, ce mardi 3 septembre. La plus haute juridiction a tranché sur l’ordonnance de non-lieu, rendue en 2019 par les juges d’instruction dans ce dossier, et confirmée en 2023 par la Cour d’Appel de Paris. Pour Jacques Faugeron, président de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), cette nouvelle « confirme l’injustice qu’on connaît depuis 28 ans ».
Le groupe Eternit est le premier producteur français d’amiante-ciment et l’un des premiers visés par une plainte du genre, déposée en octobre 1996 par d’anciens salariés exposés à ce matériau. Reconnu cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 1973, l’amiante est interdit en France depuis 1997 seulement. « Mon mari a travaillé 25 ans à l’usine et est parti la veille de nos 50 ans de mariage. Eternit m’a pris mon mari, » dénonçait, l’année dernière, la veuve d’un des ouvriers qui a travaillé au contact de l’amiante, dans une des usines du groupe, à Vitry-en-Charollais (Saône-et-Loire).
« C’est une lutte qu’on a menée jusqu’au bout »
« Ca confirme l’injustice qu’on connaît depuis 28 ans, il n’y aura pas de procès de l’amiante en France car il n’y a pas de responsable », s’est désolé auprès de l’Agence France-Presse, Jacques Faugeron, président de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), après la confirmation du non-lieu. « Malgré la connaissance qu’on a, il y a une interprétation d’une expertise très restrictive qui a été faite », a-t-il regretté.
« C’est une lutte qu’on a menée jusqu’au bout. Et là, ça va être un peu plus compliqué » a-t-il assuré. « On compte des victimes de plus en plus nombreuses et de plus en plus atteintes de maladies graves, des cancers broncho-pulmonaires et des mésothéliomes », a rappelé le président de l’Andeva.
Une précédente ordonnance de non-lieu confirmée en 2023
La précédente confirmation du non-lieu en 2023 avait poussé l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante (Andeva) et la Coordination Eternit à se pourvoir en cassation. Ces collectifs souhaitaient voir condamner pénalement les dirigeants de la société : « C’est notre but et on se battra jusqu’au bout » déclarait alors, sur France 3, Jean-François Borde de l’association Andeva et travailleur au sein de l’usine de Eternit à Vitry-en-Charollais pendant 34 ans.
Dans l’ordonnance de non-lieu initiale du 10 juillet 2019, les magistrats avaient estimé que « compte tenu de l’impossibilité de dater l’intoxication des plaignants, il apparaît impossible de déterminer qui était aux responsabilités au sein de l’entreprise […] et quelles réglementations s’imposaient à cette date inconnue ».
Une ordonnance vécue comme un « véritable déni de justice » par les membres de l’association Andeva qui, dans un communiqué, publié à l’époque, jugeaient que « la responsabilité pénale ne requiert pas l’existence d’une date précise d’intoxication ni pour caractériser le lien de causalité ni pour imputer l’infraction à une personne déterminée ».
Dans ce dossier, quinze responsables avaient été pointés du doigt : cinq anciens directeurs de site ou dirigeants de la société ainsi que la personne morale Eternit qui avaient été mis en examen pour homicides et blessures involontaires, tandis que six membres du groupe et quatre anciens inspecteurs du travail avaient été placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Au moment de l’ordonnance de non-lieu de 2019, le secrétaire national d’Andeva Alain Bobbio s’était montré catégorique dans un communiqué, dénonçant alors : « les magistrats, après plus de 20 ans d’instruction, n’ont écouté que le point de vue des employeurs ».
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