Au mépris du résultat des élections législatives qui ont vu le Nouveau Front populaire arriver en tête, Emmanuel Macron a nommé à Matignon Michel Barnier, un ex-commissaire européen LR, ultralibéral et anti-immigration. Après la désignation du premier ministre, quelles sont les prochaines étapes inscrites au calendrier ? Tour d’horizon…
▷ La formation du gouvernement
C’est d’abord un exercice délicat qui s’annonce pour le nouveau locataire de Matignon, celui de la formation du prochain exécutif. Concrètement, c’est le président de la République qui « nomme les autres membres du Gouvernement » mais « sur la proposition du Premier ministre », indique l’article 8 de la Constitution. La négociation s’annonce donc serrée alors qu’Emmanuel Macron a déjà laissé fuiter qu’il entendait avoir la main au moins sur certains postes comme le ministère de l’Intérieur ou Bercy.
Exposé à une motion de censure, Michel Barnier doit satisfaire aux exigences de son parti mais aussi du camp présidentiel dont le soutien est indispensable – Gabriel Attal a d’ores et déjà évoqué une « possible participation » des macronistes au futur gouvernement-, tout en conservant la bienveillance du RN. Et le nouveau premier ministre a choisi la méthode Coué : les consultations se passent « très bien », elles sont « pleines d’énergie », a-t-il affirmé, vendredi, à l’AFP, en quittant Matignon où il venait de recevoir son prédécesseur pour le groupe macroniste et les responsables de la droite, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et le président du Sénat Gérard Larcher, avant un rendez-vous à l’Élysée.
Le premier ministre et le président ne sont pas tenus par un délai légal pour annoncer la composition du gouvernement. Il s’écoule en général quelques jours entre la désignation d’une personnalité à Matignon et le moment où le secrétaire général de l’Élysée gagne le perron du Palais pour scander les noms composant le nouvel exécutif (qui ont au préalable été passés en revue par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique). Pour le gouvernement de Gabriel Attal, par exemple, la première salve avait été livrée au bout de deux jours mais il avait fallu attendre près d’un mois avant de connaître la liste complète, ministres délégués et secrétaires d’État compris.
D’ici là, les ministres démissionnaires restent en place pour gérer les « affaires courantes », comme c’est le cas depuis la démission de Gabriel Attal le 16 juillet dernier.
▷ Reprise des travaux à l’Assemblée
Au plus tard, les députés doivent reprendre leurs travaux le 1er octobre avec l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale. Mais le Parlement « peut se réunir en session extraordinaire à la demande du Premier ministre, de la majorité des membres de l’Assemblée nationale. Convoquée par décret du Président de la République, la session extraordinaire a un ordre du jour déterminé », rappelle le site de l’Assemblée nationale.
De nombreuses voix s’élèvent pour demander la reprise des travaux au plus vite. Les parlementaires de gauche portent cette exigence. À l’instar des sénateurs communistes : « Le groupe CRCE-K demande expressément la tenue d’une session extraordinaire. Notre pays, nos concitoyens en ont besoin. Emmanuel Macron préfère orchestrer un insupportable show médiatique sur la nomination du Premier Ministre pour masquer sa volonté profonde : changer pour que rien ne change », ont-ils écrit dans un communiqué mercredi.
« Le groupe que je préside estime qu’il est intolérable que les parlementaires ne soient pas réunis en session extraordinaire pour honorer sans plus de délais l’ensemble des responsabilités que nous ont confiées nos concitoyens », avait également fait savoir lundi Marine Le Pen, à l’issue de l’une de ses rencontres avec Emmanuel Macron.
« Je demande au Président de la République de convoquer une session extraordinaire dans les meilleurs délais. Le Premier ministre Michel Barnier doit pouvoir s’exprimer rapidement devant la Représentation nationale et nous permettre de reprendre nos travaux entamés sous la précédente législature pour répondre aux attentes des Français », a également déclaré, jeudi 5 septembre, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
▷ Déclaration de politique générale ?
Une fois les députés réunis à l’Assemblée, le premier ministre y fera-t-il une déclaration de politique générale ? Rien ne l’y oblige, mais l’usage exige que le chef du gouvernement présente ses orientations dans l’hémicycle. Quant au timing… Gabriel Attal avait attendu 21 jours après sa nomination, et sa prédécesseuse, Élisabeth Borne, pas moins de 51 jours.
Reste qu’un vote à l’issue d’une telle déclaration, dont la possibilité est prévue par l’article 46 de la Constitution, n’est pas obligatoire. En majorité relative, Gabriel Attal comme Élisabeth Borne s’y sont soustraits car une majorité refusant d’accorder sa confiance au gouvernement entraîne sa chute.
▷ Vers une motion de censure
Même s’il décide de ne pas engager sa responsabilité devant l’assemblée à l’occasion de ce discours, Michel Barnier n’échappera pas à une motion de censure que les groupes du Nouveau Front populaire se sont déjà engagés à déposer et voter. Celle-ci « n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale », stipule l’article 49.2 de la Constitution, un critère d’ores et déjà rempli par la gauche. Le dépôt de la motion pourra donc intervenir dès la reprise des travaux. Et ensuite, ça va vite : « Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt », précise la Constitution.
Quant à savoir si elle pourrait être adoptée… Comme il y a peu de chance que le camp présidentiel se révolte contre le hold-up opéré par le chef de l’État, pas plus que les LR qui ont raflé Matignon malgré leurs 47 députés, tout dépend du Rassemblement national qu’Emmanuel Macron a fait faiseur de roi.
L’extrême droite se frotte les mains d’occuper une telle place leur ouvrant l’opportunité de parfaire leur « normalisation » tout en influençant les politiques conduites. « Michel Barnier semble répondre au moins au premier critère que nous avions réclamé, c’est-à-dire, quelqu’un qui soit respectueux des différentes forces politiques et capables de s’adresser au Rassemblement national, qui est le premier groupe de l’Assemblée nationale », a déjà déclaré Marine Le Pen quand le président de son parti Jordan Bardella a promis de « juger sur pièces ». Excluant de fait une « censure automatique » du gouvernement Barnier.
De surcroît, « seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée », selon la Constitution. Même pas besoin pour les députés RN de s’y opposer clairement pour éviter l’éviction du gouvernement Barnier.
▷ Des mobilisations à venir
La gauche a cependant plus d’une corde à son arc. Dès ce samedi 7 septembre, la plupart des partis du Nouveau Front populaire appellent à se joindre à la mobilisation initiée par des organisations de jeunesse « pour la démocratie et contre le coup de forces de Macron ». Quelque 150 marches sont prévues à travers la France. À Paris la manifestation partira à14 heures de Bastille pour se diriger vers Nation. Cette mobilisation se poursuivra dès la semaine suivante, du 13 au 15 septembre à la Fête de l’Humanité.
Quant aux syndicats, ils ont d’ores et déjà appelé à une journée d’action le 1er octobre. L’objectif ? « Gagner l’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires et pensions, l’égalité entre femmes et hommes, le renforcement des services publics » ainsi que le « développement de l’emploi industriel en lien avec les enjeux environnementaux », résume la CGT à l’origine de l’appel auquel se sont joints Solidaires et la FSU.
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