La Formule 1, ses circuits glamour, ses lignes droites mythiques, ses chicanes acrobatiques et… ses coups fourrés. C’est pour éviter que Renault ne prenne la pole position dans cette dernière catégorie que les syndicats CGT du groupe automobile appellent l’ensemble des personnels à une mobilisation devant le site de Viry-Châtillon (Essonne), le 12 septembre. La direction du constructeur français est en effet en passe de tirer un trait sur cinquante années d’histoire de la marque au Losange en F1. Elle envisage de faire rouler à partir de 2026 les futurs bolides de son écurie Alpine avec des moteurs… Mercedes ou d’un autre constructeur.
À la poubelle, donc, la nouvelle motorisation de « rupture technologique » commandée par le directeur général de Renault, Luca De Meo lui-même, en vue de relancer l’écurie dont les résultats ont fléchi de la quatrième place des constructeurs (sur 10) en 2022 à la huitième en 2024. Et tant pis si les performances du nouveau RE26A testées en banc d’essai en juin vont, pour certaines, au-delà du cahier des charges imposé aux ingénieurs.
Gâchis industriel
Cette externalisation, synonyme de délocalisation, annonce un gros gâchis industriel pour ce site à 80 % tourné vers la F1. Une bonne partie des 350 cadres et ingénieurs de pointe seront immédiatement débauchés par la concurrence (Audi a débloqué plus d’un milliard d’euros pour revenir à la compétition) ou… l’armement, dont les affaires sont florissantes. Au vu des faibles projets avancés pour pallier la perte d’activité à Viry-Châtillon, les restants ne trouveront pas forcément de postes de reclassement. Quant aux 150 salariés des sous-traitants, c’est la porte immédiatement.
Dans les paddocks, la décision de sous-traiter la conception et la fourniture de la motorisation a provoqué l’incompréhension. À Monza, le week-end dernier, plusieurs dizaines d’employés ont exprimé leur opposition au projet, en manifestant des tribunes du Grand Prix d’Italie, alors que l’usine était en grève. « Nous avons reçu des témoignages de soutien d’anciens directeurs comme de certains de nos fournisseurs, même à l’international comme au Japon, qui ne veulent plus s’engager avec Alpine, affirme Karine Dubreucq, déléguée syndicale Alpine F1. Avec nos 12 titres de champion du monde, nous sommes la vitrine technologique de Renault. En nous sacrifiant, il y a un grand risque de démantèlement des activités motoristes en France qui s’accompagnerait d’une perte de compétences irrémédiable et qui aurait des répercussions sur les ventes de nos voitures en série et luxe. »
Aucune décision prise ?
Est-ce la colère en voie de propagation sur les réseaux sociaux via #viryontrack, l’expertise lancée par le comité social et économique d’Alpine F1, ou les lettres de demande d’explications envoyées au siège, aux ministères de tutelle et à l’Élysée par l’édile de Viry-Châtillon et des parlementaires en Essonne ? Toujours est-il que ces multiples pressions semblent produire leurs premiers effets. Ce jeudi, Luca De Meo a lâché au site spécialisé Motorsport qu’« aucune décision n’a encore été prise. Nous avons quatre ou cinq semaines pour déterminer les prochaines étapes avant la réunion du conseil d’administration. Nous évaluons toutes les opportunités ».
Mais le directeur général prévient : « Si l’on considère cela d’un point de vue purement financier – combien coûte le développement d’un moteur pour 2026 soi-même et combien pourrait-on économiser avec un moteur client –, alors on parle d’une énorme différence. » D’un côté, 120 millions d’euros de coûts de développement en interne. De l’autre, 17 millions annuels pour la fourniture d’un moteur clé en main dans une voiture qui n’aura plus d’Alpine que le logo.
« Alpine F1, c’est le miroir de ce qui se passe dans l’ensemble de Renault, avec des plans de départ successifs, synonymes de perte de compétences, tout cela pour réaliser des économies et augmenter la marge opérationnelle de six mois en six mois », lui répond Thomas Ouvrard. Le délégué syndical CGT voit arriver les négociations pour le prochain plan industriel triennal. Depuis 2013, ces plans ont donné lieu à trois mal nommés « accords de compétitivité » conduisant à la suppression de 15 000 postes.
En contrepartie du dernier, la direction avait promis de mettre le paquet sur l’électrique en France pour compenser les délocalisations des activités liées aux voitures thermiques et hybrides. « Le premier nouveau projet électrique devait être la nouvelle Twingo. Sa conception est partie en Chine et sa fabrication devrait se faire en Europe de l’Est », dénonce Florent Grimaldi, secrétaire général de la CGT Lardy.
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