Après avoir avoué la semaine dernière ne pas vouloir nommer Lucie Castets à Matignon pour ne pas voir la réforme des retraites abrogée et le Smic augmenté à 1 600 euros, Emmanuel Macron continue de faire fi du résultat des élections législatives et poursuit ses consultations ce lundi, en vue de désigner le futur premier ministre « d’ici mercredi », assure son entourage.
L’ex-locataire de Matignon Bernard Cazeneuve qui a quitté le PS en 2022, le président LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, les ex-présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy sont ainsi attendus à l’Élysée. L’objectif du chef de l’État ? Tenter de ressusciter une forme d’« en même temps » en fracturant la gauche et en s’assurant de la bienveillance de la droite pour maintenir le cap de sa politique austéritaire au service des plus riches.
L’hypothèse Cazeneuve pour diviser la gauche
Avec le scénario d’un retour de Bernard Cazeneuve à la tête d’un gouvernement, Emmanuel Macron espère s’inféoder les soutiens d’une partie de la gauche. Il « n’est pas demandeur mais s’il le fait c’est par devoir et pour éviter des difficultés supplémentaires au pays », a vanté dimanche l’entourage de l’ex socialiste. Et certains au PS ne ferment pas la porte. Il est ainsi « un homme d’État (…) au service de l’idéal de gauche », selon Carole Delga, présidente de la région Occitanie et représente une hypothèse « crédible et sérieuse » pour Anne Hidalgo, la maire de Paris. Tous assurent tout de même souhaiter une « cohabitation » avec Emmanuel Macron et jurent qu’ils ne seront pas ses « supplétifs » : « Il a perdu. Il faut, par exemple, un bougé sur les retraites », demande Michaël Delafosse, édile de Montpellier.
Mais le premier secrétaire du PS et ses soutiens comme le reste du NFP refusent de voir le résultat des élections législatives ainsi nié. « Si ce n’est pas Lucie Castets à Matignon mais une autre personnalité venue de la gauche, nous n’avons aucune raison de penser que celle-ci conduira une politique de gauche », avance notamment Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
« Ma conviction, c’est qu’il va mener une politique de droite », a également estimé le communiste Ian Brossat sur BFMTV samedi. Et le porte-parole du PCF de s’en expliquer : « Pourquoi Macron a refusé de nommer Lucie Castets ? Pas parce qu’il avait peur qu’elle échoue. Mais parce qu’il avait peur qu’elle réussisse et qu’elle abroge la réforme des retraites. Quel que soit le futur premier ministre, sa mission sera de continuer la politique macroniste ». Bernard Cazeneuve « appartient à l’ancien monde du hollandisme dont nous voulons tourner la page », ajoute encore, ce lundi sur France 2, la cheffe des députés FI Mathilde Panot, dont le mouvement plaide en faveur de la destitution du président. « Emmanuel Macron n’est plus un politique, c’est un maître-composteur qui est sur la stratégie du pourrissement. Il fait de l’obstruction, c’est un Gaulois réfractaire », tacle également la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier.
Hollande et Sarkozy à l’Élysée
Reçu ce lundi à 11 heures par Emmanuel Macron, l’ex président PS François Hollande a, de son côté, jugé la semaine dernière comme une « faute institutionnelle » et « politique » le refus de son successeur de nommer Lucie Castets. S’il juge contre-productive une alliance avec le centre et a fortiori la droite, « cela ne doit pas empêcher les socialistes de soutenir les mesures qui peuvent faire avancer le pays », a toutefois estimé député le député de Corrèze. Son prédécesseur à l’Élysée Nicolas Sarkozy, attendu à 12 h 15, « souhaite que (sa) famille politique œuvre à faire nommer un premier ministre de droite plutôt que de céder à la facilité de laisser nommer une personnalité de gauche », selon un entretien qu’il a accordé au Figaro. Reste que l’hypothèse Xavier Bertrand ne fait pas l’unanimité dans sa propre famille. À commencer par Laurent Wauquiez qui préfère regarder vers 2027.
Sans compter que le changement de politique exigée par les Français aux législatives serait ainsi jeté aux oubliettes avec le maintien au pouvoir du camp présidentiel au sein d’une majorité relative faite de bric et de broc. « Il faut inventer une 3e forme de Ve République : ni coalition, ni cohabitation », défend l’entourage de Macron qui, sans l’avouer, compte sur la bienveillance de l’extrême droite.
Si Marine Le Pen exige, à nouveau ce lundi, une session extraordinaire dans une lettre ouverte aux présidents de groupe de l’Assemblée, la censure d’un éventuel gouvernement Cazeneuve – à rebours de celle d’un exécutif NFP – « n’est pas automatique », a fait savoir sur franceinfo Laurent Jacobelli, député RN de Moselle et porte-parole du parti.
Mais ce chemin ne serait toutefois pas un long fleuve tranquille pour le camp présidentiel. Car de la manifestation à l’appel des organisations de jeunesse soutenues par FI, le PCF et les Écologistes le 7 septembre à la mobilisation lancée par la CGT et rejoint par Sud et la FSU pour le 1er octobre, en passant par la grève des enseignants le 10 septembre et la Fête de L’Humanité les 13, 14 et 15… la rentrée se fera aussi dans la rue.
Le média que les milliardaires ne peuvent pas s’acheter
Nous ne sommes financés par aucun milliardaire. Et nous en sommes fiers ! Mais nous sommes confrontés à des défis financiers constants. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.Je veux en savoir plus !