Comment décrire le phénomène à l’origine de la série d’inondations qui ont touché le nord de la France entre novembre et janvier ?
Arnaud Gauthier
Professeur en géosciences de l’environnement à l’université de Lille
Une conjonction d’événements est à l’origine de ces inondations. L’automne a été marqué par une importante pluviométrie, sans caractère exceptionnel, mais suffisamment importante pour saturer les sols. Un phénomène de tempête s’est ensuite ajouté à de forts coefficients de marée, qui ont par conséquent empêché l’évacuation des eaux de pluie vers la mer.
Une évacuation qui a été par ailleurs ralentie en raison de pompes hydrauliques qui n’ont pas systématiquement joué leur rôle. Finalement, les fleuves ont débordé et l’eau s’est accumulée dans de nombreux secteurs du territoire.
Quelles réponses ont été apportées depuis ces événements ?
Deux grands types de mesures ont été mis en place. Tout d’abord, des chantiers ont été réalisés, en particulier des passages sous certaines routes qui ont été refaits, avec des buses de béton mieux dimensionnées, de manière à favoriser l’écoulement des eaux. Il a été constaté que l’eau avait parfois mis beaucoup de temps à s’évacuer, parce qu’elle s’était heurtée à des barrages naturels ou artificiels, notamment certaines constructions routières. Ce sont, à ma connaissance, les principaux ouvrages réalisés.
Après, il y a eu plusieurs épisodes de curages de fleuves ou rivières, plus ou moins anarchiques et médiatiques, réalisés par des paysans ou par des institutions. Je ne suis pas convaincu du bien-fondé de ce type d’actions. En effet, le curage des cours d’eau n’est pas nécessairement la solution idéale. Vous risquez, d’une part, de perturber de manière hydrodynamique l’écoulement du cours d’eau et, d’autre part, de modifier l’écosystème ambiant.
Par ailleurs, les actions de curage ne font souvent que déplacer le problème : l’écoulement s’améliore sur le tronçon qui a été curé, mais l’impact sur l’ensemble du cours d’eau reste assez négligeable. L’autre mesure qui a été mise en place, ce sont les procédures d’« expropriation » de différents quartiers, même si le terme est un peu exagéré. Encore aurait-il fallu éviter de délivrer des permis de construire dans des zones inondables.
Ces mesures sont-elles une réponse suffisante pour réduire le risque de futures inondations ?
Malheureusement, si un nouvel épisode pluvieux d’intensité relativement importante se produisait, on risque de revoir apparaître des inondations. Elles seront peut-être plus modérées, du fait des quelques aménagements qui ont été réalisés, mais elles se produiront à nouveau. Vous avez un exemple récent : début août, il y a des pluies peu importantes dans la région et pourtant certaines villes ont été touchées encore une fois par des inondations.
Compte tenu du contexte climatique, on risque d’être confronté de plus en plus à ce genre d’épisodes météorologiques, non pas avec des pluies régulières, mais des grosses pluies assez courtes d’une grande intensité qu’il faudra gérer, et ça sera extrêmement compliqué.
Quand vous avez une quantité d’eau significative qui arrive sur un territoire, cette eau n’a pas beaucoup d’opportunité : soit elle va s’infiltrer en souterrain (mais dans la région, c’est extrêmement compliqué en raison de la nature argileuse des sols ; on est donc plutôt sur des sols imperméables) ; soit l’eau ruisselle. Par conséquent, il faut plutôt chercher à la canaliser et organiser son débordement.
Qu’entendez-vous par là ?
C’est dans cette optique qu’avaient été imaginés, à la suite des inondations survenues en 2002, les champs d’inondation contrôlée, c’est-à-dire des parcelles choisies pour être volontairement inondées quand il y a un phénomène de crue. Ces bassins de rétention ont joué leur rôle lors des dernières inondations, mais ils ont été malheureusement sous-calibrés.
Ce type d’ouvrages pose toutefois la question de l’aménagement du territoire et de la perception du risque. Or, dans cette région, le foncier n’est pas extensible. On y trouve des zones extrêmement urbanisées ou extrêmement agricoles, voire parfois des endroits où les deux cohabitent tant bien que mal. Enfin, à toutes ces interrogations s’ajoute la question de la temporalité politique : entre le moment où des décisions seront prises et la phase travaux, il se passe un certain temps. Un délai qui répond rarement aux attentes des habitants.
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