Pour le maire de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), Sébastien Olharan, ses administrés lui font « perdre son temps ». Du moins ceux qui le somment de justifier de la légalité de certaines de ses décisions devant la justice. C’est en tout cas ce qu’affirme dans la presse azuréenne celui qui se satisfaisait au printemps d’« être qualifié de ciottiste », alors qu’il est convoqué devant le tribunal administratif de Nice, ce mercredi 14 août.
La requête a été déposée par Cédric Herrou et sa compagne, Marion Gachet, soutenus par une quinzaine d’habitants du village, contre la décision de la municipalité de mettre en service un système de vidéosurveillance, doté de 40 caméras, sur la commune.
« À ce jour, nous comptabilisons une dizaine de caméras déjà installées dans le village, et ”en état de fonctionnement” selon les dires du maire lors du conseil municipal du 26 juin », explique l’agriculteur emblématique de la solidarité avec les exilés.
L’édile se défend d’avoir effectivement fait de telles annonces. Ce serait en effet complètement illégal, la préfecture n’ayant autorisé l’installation que d’une seule caméra. Il existe pourtant bel et bien une vidéo du conseil municipal dans laquelle il annonce la « mise en service » de ces caméras. Elle vient de disparaître des publications du compte Facebook de la municipalité mais y figurait il y a encore quelques semaines.
Un ratio d’une caméra pour 55 habitants
« Le maire s’apprête-t-il à mentir devant la justice ?, questionne Cédric Herrou. Ou a-t-il menti aux habitants de Breil ? » Quoi qu’il en soit, le projet paraît en tout cas disproportionné par rapport aux problèmes d’insécurité réellement présents sur ce territoire montagnard.
« Les statistiques de l’Insee et du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure montrent que cette commune est dépourvue de délinquance et de trouble à l’ordre public, étaye un communiqué cosigné par plusieurs habitants de Breil. La seule statistique qui ressort, fort malheureusement, ce sont les ”coups et blessures intrafamiliaux”, violences intimes et cachées contre lesquelles on ne lutte pas avec des caméras filmant l’espace public. » Pourtant, le projet municipal donnerait un ratio d’une caméra pour 55 habitants et occasionnerait une dépense estimée à 130 000 euros.
« La commune a besoin d’un réel projet social, où le bon vivre et la dignité priment », estiment Cédric Herrou et Marion Gachet, pas d’« un outil matériel répressif et restrictif des libertés publiques » aussi coûteux. Et d’ajouter : « Avant les caméras, des logements salubres, des emplois, des transports et des commerces sont primordiaux ! »
Pour l’avocat des deux requérants, Me Alexis Fitzjean, également conseil de l’association la Quadrature du Net, le dispositif mis en place par Sébastien Olharan est en tout cas « litigieux », manifestement illégal et pourrait même constituer un « délit pénal ».
La loi prévoit, en effet, que le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre soit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Une dérive « symptomatique » des élus locaux de la région, selon Cédric Herrou
Pour Cédric Herrou, cette affaire est symptomatique d’une dérive des responsables publics et élus dans l’ensemble des Alpes-Maritimes. « C’est un département où ils ne se sentent plus obligés de respecter le droit, développe-t-il. C’est un phénomène qui s’est instauré à l’époque du préfet Leclerc, avec les contrôles au faciès à la frontière, les contrôles d’identité effectués par des militaires, les caméras illégalement installées autour de chez moi quand j’abritais des exilés dans le besoin ou bien encore, plus récemment, les différentes affaires de détournement d’argent public dans le cadre des chantiers de reconstruction après le passage de la tempête Alex. A contrario, on s’attaque aux citoyens lorsqu’ils saisissent la justice pour faire respecter la loi. »
Le fondateur d’Emmaüs Roya en veut pour preuve les déclarations de l’édile évoquant, à propos de sa convocation au tribunal de Nice, ce mercredi, une affaire « sans fondement » et une tentative de « règlement de comptes » de la part de Cédric Herrou.
Le couple de Breillois considère, au contraire, agir en tant que citoyens comme les autres. Pour eux, « l’utilisation de la vidéosurveillance est un sujet parmi tant d’autres, mais vouloir lutter contre l’illégalité en étant soi-même illégal n’a jamais été une bonne stratégie. La démocratie locale va mal, à nous citoyens et habitants de la vallée de se réveiller » ! Certains ont déjà commencé.
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