Il est des grands hommes qui demeurent un peu dans l’ombre. Le 25 août 1944, le général de Gaulle arrive dans les salons de l’hôtel de ville de Paris, à peine libérée. Il y rencontre un certain André Tollet. « Ah ! C’est vous », lui lance-t-il. Ce dernier répond sobrement : « Oui, monsieur. » Peu après, le général de Gaulle prononce son célèbre « Paris ! Paris outragé ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! Mais Paris libérée ! » Pour le Comité parisien de la libération (CPL), c’est le représentant du Parti communiste français (PCF) qui prend la parole, Georges Marrane.
Ainsi en ont voulu les circonstances. André Tollet aurait été pleinement légitime à s’exprimer : il assure la présidence du CPL. Quelques jours plus tôt, alors qu’une partie de ses membres, dont Léo Hamon, voulaient et avaient engagé des discussions avec les Allemands pour une trêve dans les combats, il argumentait contre une telle option qui sacrifierait les banlieues. Les jours précédents, dans ses tournées à vélo, il avait vu dans le peuple de Paris l’envie de se battre. L’insurrection a soustrait le pays à l’administration de l’Amgot, l’autorité anglo-américaine – c’est elle qui a porté à la tête du pays un gouvernement provisoire.
En charge de la direction de l’union départementale de la Seine pour le PC
L’insurrection, il en est l’un des artisans. De longue date. Quand le pays commence à subir l’occupation allemande, il est responsable des syndicats de la Seine, l’ancienne Île-de-France. Il cherche à faire imprimer la Voix ouvrière, le journal de la CGT. C’est à cette occasion qu’il est arrêté, en octobre 1940, puis condamné à quinze mois de détention pour reconstitution d’organisation dissoute. À l’époque, la répression s’abat sur les communistes et les syndicalistes pour leurs actions de propagande contre l’occupant et les autorités de Vichy.
Une fois sa peine purgée, il n’est pas libre pour autant. Il est envoyé au camp de Rouillé, puis à celui de Compiègne. C’est là qu’il participe à l’organisation de l’évasion d’une partie des détenus par un tunnel. Celle-ci réussit, le 21 juin 1942. Mais les fugitifs n’ont pas de point de chute, faute de liens avec l’extérieur. Une partie d’entre eux trouvent un temps refuge dans une ferme de Seine-et-Oise, à Marcoussis. André Tollet, lui, est ensuite envoyé en Seine-Inférieure, dans la région de Rouen. Entre-temps, la Résistance s’est structurée : il entre en contact avec les Francs-Tireurs et Partisans (FTP) du cru, fait de l’agitation politique, notamment contre le Service du travail obligatoire (STO). Un jour, il prend ainsi la parole au dépôt des cheminots de Sotteville-lès-Rouen, avant de s’enfuir à bicyclette.
Le Parti communiste, dont il est membre, le missionne pour reprendre la direction de l’union départementale de la Seine. Il restructure les fédérations professionnelles, aide à la reconstitution des syndicats, recrée des centres d’imprimerie. Il participe à des actions de sabotage. Celles-ci ont un effet d’entraînement. « Nous avions constaté que chaque sabotage important se traduisait par la constitution d’un groupe FTP. L’idée de la possibilité de l’action avait progressé et favorisé des réponses positives aux propositions de participation à une action directe », écrit-il dans ses mémoires1. Un temps, il devient responsable des FTP de la zone nord de la Seine car son prédécesseur, Henaff, a été repéré.
L’un de ceux qui ouvre la voie à la réunification de la CGT
Avant tout syndicaliste, il est l’un des maîtres d’œuvre de la rencontre du Perreux, le 17 avril 1943, qui ouvre la voie à la réunification de la CGT divisée après l’expulsion des communistes consécutive au pacte germano-soviétique en 1939. C’est à la même période que, au 4, rue de Girardin, est constitué le CPL, avec les responsables des différents mouvements de résistance. En tant que représentant du mouvement syndical, le mouvement de masse le plus important, il est désigné président.
Avec André Carrel, pour le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France créé par le PCF, il contribue à l’organisation des cinq manifestations parisiennes du 14 juillet 1944 protégées par les FTP. Des cheminots sont arrêtés lors d’un autre rassemblement à Choisy-le-Roi. En réponse, une grève est déclenchée le 10 août. Les syndicats décident d’une grève générale huit jours plus tard. Le CPL prend, le 19 août, la décision de déclencher l’insurrection. La coordination est efficace. Le 23, les FFI de Rol-Tanguy ouvrent la voie aux troupes du général Leclerc, lequel reçoit le 25, avec le colonel Rol-Tanguy, la reddition de von Choltitz.
Dans les mois qui suivent, à la tête du CPL, Tollet fait office de président du conseil municipal. Puis il reprend ses activités syndicales, d’abord au niveau national, avec la charge de la lutte anticoloniale, puis à nouveau en région parisienne. Au soir de sa vie, à la tête du musée de la Résistance nationale, le combattant se fait passeur de mémoire.
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