De son expérience théâtrale adolescente, Emmanuel Macron a peut-être retenu cette idée de Diderot, dans le Paradoxe du comédien, que pour être crédibles, les personnages doivent être habités par des fantômes plus grands qu’eux. En tout cas il s’y essaie, dans le personnage de maître du temps et du jeu politique qu’il joue devant la France.
Mais las, le costume est devenu trop grand et le président feint de l’ignorer comme il feint d’oublier qu’il vient d’essuyer deux défaites majeures aux deux tours des élections législatives après avoir été élu en 2017, par défaut et avec les voix de la gauche pour faire barrage à Marine Le Pen. Et si les désistements du dernier scrutin ont été réciproques, c’est encore grâce aux voix de la gauche que ceux des députés macronistes réélus l’ont été.
Balayant, comme il l’avait fait avant les JO, la légitimité du Nouveau Front populaire à voir désignée Lucie Castets comme première ministre, il pourrait s’attirer la réponse cinglante d’Aldebert Ier à Hugues Capet, qui lui déniait son choix de maintenir le siège de Tours : « Qui t’a fait roi ? » Et précisément, le président monarque n’est pas tout à fait nu mais ça y ressemble. Les noms évoqués de Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve ne tiennent pas la route. D’où et pourquoi un premier ministre issu des « Républicains » ? D’où et comment un premier ministre venant du PS et avec quelle légitimité ?
Dans un entretien publié lundi dans l’Équipe, le président n’en a pas moins réendossé son costume de scène, sans même qu’il soit besoin de sous-texte pour comprendre le propos. « Ceux qui n’ont pas cru dans les Jeux se sont trompés. » Comme se trompent sans doute ceux qui ne croient pas en lui. « Les Français ont redécouvert qu’ils pouvaient faire de grandes choses ensemble (…). Quand on travaille ensemble, rien n’est insurmontable. »
Mais sauf votre respect, monsieur le président, en préférant les combines politiciennes à la simple reconnaissance du résultat des élections avec la nomination à Matignon de la personnalité de qualité proposée par la gauche, vous faites de bien petites choses, non pas ensemble, mais un peu seul, tout de même.
Avant de partir, une dernière chose…
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