On ne se réveille pas un matin en se disant : « Aujourd’hui, je vais rajouter 50 à 70 kg à mon corps, exposer ma santé à de gros risques, être exclue de la société et humiliée, voire harcelée quasi quotidiennement par les petites phrases et regards assassins. » Non, Anne Sophie Joly n’a pas choisi d’être obèse. « Mon obésité m’a fait toucher le fond, le désespoir, la solitude, la souffrance physique et psychologique, le rejet des autres… », explique sans fard l’auteure de « Je n’ai pas choisi d’être grosse » (Ed solar) qui a décidé de s’engager, il y a plus de 25 ans, et de créer le Collectif national des associations d’obèses (CNAO). En France, la moitié de la population est aujourd’hui concernée par le surpoids ou l’obésité.
Le 16 juillet, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) publiait une étude sur cette prévalence et dressait un bilan des politiques publiques de prévention. Premier rappel : la surcharge pondérale est une maladie évolutive qui peut se traduire par un diabète de type II, des maladies cardiovasculaires, métaboliques, des problèmes articulaires et certains cancers. Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) , l’obésité et les maladies associées réduiront l’espérance de vie mondiale de 0,9 à 4,2 ans au cours des 30 prochaines années. En Europe, la prévalence mondiale de l’obésité a triplé entre 1975 et 2016.
Rendre le Nutri-Score obligatoire sur l’ensemble des produits
En France et au-delà, les principales politiques publiques visent d’une part à sensibiliser et éduquer les populations et d’autre part à encourager des modes de vie plus sains, avec notamment la promotion d’une activité physique régulière. En bref, mangez mieux et bougez. Mais « cette maladie est causée par de nombreux facteurs et ne peut se résumer à un manque d’activité physique et à un apport calorique trop important », rappelle Anne Sophie Joly. La Dress constate que l’interdiction des publicités pour des produits gras salés sucrés (PGSS) visant les enfants et les adolescents, l’étiquetage nutritionnel des aliments et la taxation des boissons sucrées représentent les mesures les plus efficaces. « Pour améliorer leur acceptabilité et renforcer l’effet sur les moins aisés, ces mesures peuvent potentiellement être jumelées à des subventions des aliments sains ou à des chèques alimentaires », précise le rapport qui note que « l’efficacité des campagnes d’information semble plus incertaine ».
Le CNAO insiste sur la pertinence de rendre le Nutri-Score obligatoire sur l’ensemble des produits agroalimentaires et d’éliminer les publicités des aliments aux calories vides (sans apport nutritionnel intéressant). Le collectif plaide pour des campagnes de prévention qui doivent cibler toutes les tranches d’âge et expliquer plus précisément les risques de la maladie. Mais la prévention ne peut pas faire l’impasse de la lutte contre la grossophobie. « Dans l’inconscient commun, insulter quelqu’un de gros n’est pas choquant. Comme si la grossophobie n’était pas punie par la loi », regrette Anne Sophie Joly, qui bataille afin que l’obésité soit reconnue par l’État comme une maladie chronique à part entière et devienne une priorité de santé publique.
Au collectif, on milite pour un plan obésité interministériel sur dix ans basé à Matignon, à l’instar de celui déclenché pour lutter contre le cancer. « Si nous voulons être efficaces, il faut que ce plan soit renouvelable, qu’il dispose de moyens financiers importants et qu’il soit accompagné d’une volonté politique au plus haut niveau afin d’œuvrer sur le terrain de la prévention et de la prise en charge de l’obésité. Il est nécessaire que la recherche scientifique soit fortement encouragée avec, par exemple, la création d’un institut de l’obésité afin d’effectuer des recherches fondamentales et de l’épidémiologie », insiste la présidente co-fondatrice du CNAO. Et puis pour un accompagnement plus efficace, il est primordial d’améliorer la formation des soignants. « Ils ne connaissent que très peu les spécificités médicales et pathologiques de cette maladie et de manière générale, ne la prennent pas en charge dans son intégralité, en tenant compte de ses antécédents, de la situation actuelle, des facteurs de risque… », déplore Anne Sophie Joly, qui remettra en septembre un rapport au ministre de la Santé visant à lutter contre la discrimination et à faciliter l’accès aux soins pour les personnes en situation d’obésité.
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