La biologie médicale tire la sonnette d’alarme. Alors que la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a annoncé vouloir baisser de 9,4 % les tarifs des laboratoires sur des examens courants à partir de septembre, à hauteur de 360 millions d’euros annualisés, cette décision pourrait mettre en péril une partie du réseau selon les acteurs du secteur.
« Nous avions déjà consenti 11 % de baisse en un an, c’est le coup de grâce là », estime Jean-Claude Azoulay, président du Syndicat National des Médecins Biologistes (SNMB). Chaque examen a une cotation. Les tarifs ne sont pas libres mais fixés contractuellement par l’Assurance Maladie. Nous n’allons pas tenir, c’est pour cela qu’on crie au secours. »
Tout le monde n’a pas profité du Covid
Dans le cadre du Projet de loi de Finances et la Sécurité sociale (PLFSS) 2023, 250 millions d’économies avaient été exigés par le gouvernement avant d’être négociés avec les représentants des laboratoires. Selon les syndicats du secteur, la CNAM juge désormais que l’accord triennal conclu pour 2024-2026, signé l’année dernière, aurait été élaboré sur des bases erronées pour les dépenses 2023 comme pour les prévisions de croissance 2024.
« Il y a une inflation de la demande d’examens, ok, mais nous n’avons aucun moyen de la contrôler, souligne Jean-Claude Azoulay. Il ne faut pas oublier que les analyses nous sont prescrites ! On note que de plus en plus d’examens qui étaient réalisés à l’hôpital le sont désormais en ville. »
Durant la crise du Covid, avec le remboursement massif des tests PCR, la période s’était transformée en jackpot pour la biologie médicale. Mais les salariés n’ont pas toujours reçu leur part du copieux gâteau. Comme le soulignait la FNIC-CGT au printemps dernier, revendiquant des hausses de salaires, les résultats nets de ceux qu’ils qualifient de « profiteurs de crise » ont été multipliés par deux, trois, quatre, voire plus.
Pour Jean-Claude Azoulay : « On ne va pas nier qu’il y a eu des profits, mais c’est le gouvernement qui nous a demandé de faire ces tests ! Tous les labos ne sont pas logés à la même enseigne. Les indépendants, qui réalisent le moins de marges, sont aujourd’hui encore plus menacés avec cette nouvelle baisse de tarifs. Cela accroît le risque de se faire racheter par un grand groupe et d’accentuer encore la concentration dans le secteur. Certains labos pourraient aussi fermer, notamment dans les déserts médicaux. Nous craignons également le développement d’une biologie low-cost pour les patients. »
Les hôpitaux ne sont pas épargnés
Cette chute des tarifs aura également un impact sur les laboratoires hospitaliers. À l’hôpital de Falaise (Calvados), le centre de prélèvement qui y est rattaché fonctionne comme un labo de ville. « On réalise des examens prescrits en consultation au centre hospitalier et ceux des patients extérieurs qui viennent directement se faire prélever, ce qui représente 15 % de l’activité », précise Raphaël Berenger, président du syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH).
Nous avons des horaires plus étendus que ceux des autres labos aux alentours. Ce centre est censé rapporter de l’argent à l’hôpital, mais avec les baisses successives de prix des actes, notre direction pourrait finir par se dire que ce n’est pas si rentable alors que nous répondons à un besoin de santé publique dans une ville de 8 000 habitants… »
À l’Assistance Publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) et dans les CHU, les conséquences seraient plus longues à se faire jour mais pas indolores. « Nous sommes solidaires des autres syndicats mais aussi indirectement touchés car le montant des dotations budgétaires qui nous financent à l’hôpital se base sur le prix des examens (qui sera donc en baisse). Les analyses de pointe qui viennent de l’extérieur et sont réalisées à l’AP-HP seront, elles, en revanche, directement impactées par cette mesure », souligne le professeur Bruno Baudin, président de la Fédération Nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et Hospitalo-universitaires (FNSPBHU), qui déplore : que « ce secteur essentiel soit de moins en moins considéré. »
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