Il fait très chaud ce jour-là dans la capitale. Les vacances scolaires sont bien entamées. Mardi 30 juillet, la France a déjà raflé 16 médailles. Les JO s’affichent partout, sur tous les écrans, dans toutes les conversations. Le Centre d’information et de documentation de la jeunesse (CIDJ), au Quartier Jeunes, implanté dans l’ancienne mairie du 1er arrondissement parisien, a du mal à faire le plein.
Qu’importe. L’atelier « Jeux d’argent & paris sportifs : opportunité ou bluff ? » aura bien lieu. Depuis 2022, ce lieu ressource pour la jeunesse propose aux 18-25 ans de s’informer de manière ludique sur les risques liés aux paris sportifs. Et ce n’est pas un hasard.
Les enquêtes Baromètre Santé et Santé publique France de 2014 et 2019 alertaient : 72 % des parieurs ont entre 18 et 35 ans. Pire. Plus d’un tiers des 15-17 ans, même si la pratique leur est officiellement interdite, avouent avoir déjà parié, selon une enquête de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) de 2021.
« Pour les jeunes, les jeux d’argent ne sont pas une addiction. »
Dans la salle au haut plafond et aux fenêtres généreuses, la poignée de participants est invitée à sortir son portable pour scanner un QR code. C’est parti pour un quiz de 12 questions. « Être dans la pratique permet de mieux intégrer les notions et les informations », confie Élisabeth Gois, co-créatrice de l’atelier et animatrice pour le CIDJ.
En mode décontracté dans sa robe d’été, elle instaure d’emblée un climat ludique de compétition sans prise de tête. Elle a le sourire facile et communicatif. David, 25 ans, psychologue, se prend vite au jeu. « Au cours de mes études, j’ai entendu parler des addictions aux jeux, mais je n’y ai jamais été confronté », explique le jeune homme, qui avoue cependant avoir, plus tard, « fait des paris informels avec des amis ».
Aujourd’hui, il ne perd pas son temps. C’est sûr, l’expérience de cet atelier lui servira professionnellement. L’intérêt est simple et efficace : déconstruire les idées reçues. Ici, on apprend ou réapprend que, dans leur majorité, « pour les jeunes, les jeux d’argent ne sont pas une addiction », constate Élisabeth Gois. Et qu’« on a plus de chances de se faire frapper par un astéroïde que de gagner au loto ».
Ou encore que, « même si l’on a des connaissances dans un sport, il n’y a pas plus de chances de gagner : c’est l’illusion de l’expertise ». Des points essentiels de décryptage, qui surprennent l’audience, autant qu’ils l’interrogent. Alors vient l’échange, le débat.
« Beaucoup de jeunes finissent avec des poly-addictions »
On aborde tout de go les probabilités de gain, la théorie du jeu, les addictions. Élisabeth Gois en profite pour répondre aux interrogations sur les mécanismes dérivés des jeux de hasard, de plus en plus présents dans les jeux vidéo : les loot boxes 1.
« Je me doutais du côté addictif, mais pas à ce point », s’étonne l’une des participantes, Raina, 21 ans, médiatrice à la mission locale de Paris. Et pour donner plus de poids à l’atelier, le CIDJ fait appel à des influenceurs. « Les réseaux sociaux sont un champ de bataille qu’il ne faut pas négliger », affirme Élisabeth Gois.
« On ne peut pas s’en sortir seuls face à des comptes à deux millions d’abonnés comme Mohamed Henni, on a besoin d’avoir une représentation qui parle aux jeunes. » C’est pourquoi le CIDJ collabore régulièrement avec des créateurs de contenus sur son site Web santeaddictions.fr. « Beaucoup de jeunes finissent avec des poly-addictions : fumer ou boire servant à compenser le sentiment de mal-être à la suite d’une perte au jeu », déplore la co-créatrice de l’atelier.
Les opérateurs, eux, savent très bien qui cibler : les jeunes de banlieue. En mars 2022, l’ANJ a dû finir par intervenir contre Winamax en suspendant la diffusion de « Tout pour la daronne », la publicité de cet opérateur de paris sportifs en ligne. Le spot vantait – à tort – l’ascension sociale via le pari sportif.
Mais, dans cette lutte contre les dérives des paris sportifs, l’État lui-même mène double jeu en étant à la fois derrière le régulateur et deux opérateurs, la FDJ et le PMU. Le sociologue spécialisé en jeux d’argent Thomas Amadieu n’hésite pas à parler d’une « taxe sur les pauvres ». Le CIDJ, lui, se bat comme il peut avec ses moyens. Et si l’on écoute Rania, il y a urgence. « Je suis étonnée du fort nombre d’adeptes de ce type de jeux en France, surtout parmi les jeunes. »
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