Vrai scénario ou ballon d’essai ? Depuis plusieurs jours, l’entourage d’Emmanuel Macron laisse traîner le nom de l’ex-LR Xavier Bertrand comme potentiel premier ministre. Une manière de trouver coûte que coûte une alternative à la gauche, pourtant arrivée en tête lors des dernières élections législatives, et à sa candidate pour Matignon, Lucie Castets. Une nomination qui signifierait un énième coup de barre à droite, contre tout bien-fondé démocratique, et qui ne changerait rien au principal problème du camp présidentiel : l’impossibilité de constituer une majorité capable de gouverner.
Selon l’entourage du chef de l’État, le profil de l’ancien ministre du Travail permettrait à son camp de prolonger son éternel « en même temps » : grappiller quelques voix à la gauche la plus centriste, tout en répondant aux priorités fixées pour contenter la droite de son électorat. À savoir : une « justice plus ferme », « une sécurité plus nette, plus rapide, plus efficace » ou une « immigration mieux maîtrisée ». Mais aussi tenter d’exercer une sorte de pression visant à amener LR à assouplir les conditions du pacte législatif proposé par son chef de file, Laurent Wauquiez, le 22 juillet.
Sauf que, comme Emmanuel Macron ne peut l’ignorer, un accord fondé uniquement sur une coopération entre Ensemble et LR ne lui donnerait toujours pas de majorité. En témoigne l’alliance opportuniste passée entre les deux blocs à l’occasion de l’élection de la présidence de l’Hémicycle. Si Yaël Braun-Pivet avait recueilli assez de voix pour l’emporter à la majorité relative (220, dont 47 des « Républicains »), elle est restée loin de la majorité absolue requise pour pouvoir gouverner les mains libres. « Bertrand ou un autre, il y aura de toute façon toujours une majorité de députés – des Insoumis aux Liot, en passant par les Écologistes – qui s’opposera », analyse Florence Portelli, vice-présidente des « Républicains ».
Un passif qui ne favorisera pas une coopération
Dans ce contexte, cette rumeur interroge. Julien Dive, proche de l’ancien maire de Saint-Quentin, qui se réjouit de l’hypothèse Bertrand, pense cependant y voir clair dans le jeu du président : « Emmanuel Macron égraine souvent des noms pour les tester. Il a pris l’habitude de le faire avec des LR. Lors des derniers remaniements, nous avions entendu parler de Catherine Vautrin par exemple, mais il lui a préféré des inconnus, ou des personnalités issues de ses rangs. »
LR ferait-il mieux de se méfier de cette supposée main tendue du chef de l’État ? Ce dernier ne semble pas prêt à aborder cette prochaine législature en bonne entente avec les autres forces politiques, comme en témoignent les propos d’un proche d’Emmanuel Macron rapportés par le Monde, selon qui il s’agirait seulement de leur offrir « un parfum de cohabitation ». Et donc de ne pas renoncer à l’hyperprésidentialisation à l’œuvre depuis 2017.
Ce qui pourrait bien créer des frictions avec le président des Hauts-de-France, qui a plusieurs fois manifesté son rejet de la politique présidentielle, notamment lors de la réforme des retraites qu’il jugeait « profondément injuste », sur le fond comme sur la forme, plaidant alors pour un « changement de méthode » et une « politique radicalement différente ». Bien que leurs positions radicales sur l’immigration soient semblables…
Un passif qui ne joue pas en faveur d’une coopération. D’autant que, même si Xavier Bertrand lui-même appelait Emmanuel Macron à bâtir une cohabitation avec la droite dans une lettre qu’il adressait au président le 25 juin dans le Figaro, Laurent Wauquiez ne l’entend pas du tout de cette oreille. Outre les rivalités personnelles et politiques entre les deux hommes, ils ont opté pour des stratégies totalement divergentes.
Pas question pour le président de la région Rhône-Alpes d’envisager une quelconque cohabitation qui pourrait donner une impression de complaisance des « Républicain » vis-à-vis d’Emmanuel Macron. « On ne peut pas se compromettre avec des gens qui ont mis le chaos dans le pays, ça serait une erreur », avance en ce sens Florence Portelli. Comme elle, beaucoup jurent chez LR que leur avenir politique dépend de leur degré d’indépendance vis-à-vis de la Macronie.
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