Avis par Betty Kabari (Nairobi)Mercredi 31 juillet 2024Inter Press Service
NAIROBI, 31 juillet (IPS) – La Journée internationale de la femme africaine, célébrée le 31 juillet, reconnaît la contribution des femmes africaines à la liberté politique, sociale et économique sur le continent. Mais l’égalité des sexes n’est toujours pas une réalité pour la plupart des femmes africaines.
De nombreux pays ont encore des lois régressives, et même les lois les plus progressistes d’autres pays sont souvent mal appliquées. Il manque des cadres de soutien pour promouvoir et garantir l’égalité des femmes et des filles, comme la recherche sur les violations des droits et l’éducation du public sur l’égalité des sexes et les droits des femmes et des filles.
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, ou Protocole de Maputo comme on l’appelle, fournit un cadre pour la réalisation et le respect des droits des femmes et des filles.
Il identifie différents domaines dans lesquels les femmes et les filles se voient refuser l’égalité et appelle les gouvernements à prendre des mesures législatives, institutionnelles et autres pour lutter contre toutes les formes de discrimination.
Quarante-quatre des 55 pays africains ont ratifié le Protocole de Maputo et certains ont progressé dans l’adoption de lois au cours des deux décennies d’application de celui-ci.
Mais l’absence de progrès adéquats rappelle que les gouvernements n’ont pas rempli leur obligation de s’attaquer de manière significative aux manières dont les lois, les politiques et les pratiques propagent des systèmes patriarcaux qui discriminent les femmes et les filles et enracinent l’inégalité des sexes dans tous les aspects de la vie.
L’article 4 du Protocole de Maputo reconnaît les droits des femmes et des filles à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité de leur personne, qui comptent parmi les droits fondamentaux. Pourtant, les violations de ces droits sont fréquentes et se manifestent de diverses manières, notamment par le féminicide (meurtres de femmes et de filles liés au genre) ; ce que l’on appelle la violence obstétricale (maltraitance des femmes et des filles lorsqu’elles ont recours à des services de santé reproductive) ; et le manque d’accès à des soins d’avortement sûrs et légaux.
En 2022, les Nations Unies ont identifié l’Afrique comme le continent où l’incidence des féminicides était la plus élevée. Plus de 20 000 femmes et filles du continent ont été tuées par leur partenaire ou des membres de leur famille cette année-là, soit en moyenne plus de 54 décès par jour – le chiffre le plus élevé en chiffres absolus de tous les continents.
Toutefois, seul le gouvernement sud-africain a systématiquement collecté des données sur le féminicide ou s’est efforcé d’élaborer des lois, des politiques ou des programmes pour lutter contre le féminicide, comme dans son Plan stratégique national sur la violence sexiste et le féminicide. D’autres gouvernements, comme celui du Kenya, ne parviennent pas à collecter les données pertinentes ni à enquêter et à poursuivre efficacement les féminicides.
Les pays africains ont également tardé à réagir aux mauvais traitements infligés aux femmes et aux filles pendant la grossesse, l’accouchement et les soins post-partum, notamment les violences verbales et physiques, la négligence et les procédures non consensuelles et médicalement inutiles.
Le manque de données empêche de tirer des conclusions sur l’ampleur exacte du problème, mais des études mondiales ont révélé que, selon les pays, entre 15 et 91 % des femmes subissent des maltraitances pendant l’accouchement. Il existe également une pénurie, à l’échelle mondiale, de données sur les abus qui se produisent lorsque les femmes et les filles ont recours à d’autres services de santé maternelle, notamment aux services d’avortement.
Au Malawi, un rapport de 2019 du Bureau de l’Ombudsman a documenté diverses formes d’abus et de maltraitance pendant le travail et l’accouchement, notamment des césariennes et des hystérectomies forcées.
Les causes de cette situation sont notamment la négligence des personnels de santé, surmenés et sous-payés, ainsi que le manque de médicaments et de soins obstétriques d’urgence. Cinq ans plus tard, le Malawi tarde à mettre en œuvre les recommandations du rapport.
L’article 14 du Protocole de Maputo reconnaît le droit des femmes et des filles à l’avortement lorsque la grossesse résulte de violences sexuelles ou lorsque la grossesse met en danger la santé physique ou mentale de la femme, ou la vie de la femme ou du fœtus. Mais moins de la moitié des pays ayant ratifié le Protocole de Maputo ont intégré ce droit dans leur législation nationale, et encore moins l’ont mis en œuvre.
En l’absence de soins d’avortement protégés par la loi, 75 % des avortements pratiqués sur le continent africain sont dangereux. Cela entraîne une mortalité maternelle ainsi que des complications qui obligent plus de 1,6 million de femmes et de jeunes filles africaines à recourir chaque année à des soins post-avortement.
En Zambie, pays considéré comme ayant l’une des lois sur l’avortement les plus libérales du continent, les avortements à risque restent répandus et représentent 30 % de la mortalité maternelle du pays.
La loi limite la disponibilité des établissements et des prestataires de soins de santé qui peuvent légalement fournir des services d’avortement, contrairement aux directives de l’Organisation mondiale de la santé.
En outre, le gouvernement n’a pas pris de mesures suffisantes pour lutter contre la stigmatisation liée à l’avortement ou pour sensibiliser aux lois du pays en matière d’avortement, ce qui conduit de nombreuses femmes, filles et même prestataires de soins de santé à croire à tort que l’avortement est illégal.
Si l’Afrique veut atteindre les objectifs fixés par l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable ou par l’Agenda 2063 de l’Union africaine, cadre stratégique du continent pour parvenir à un développement socio-économique inclusif et durable sur une période de 50 ans, les pays doivent de toute urgence s’engager à nouveau à mettre en œuvre le Protocole de Maputo. Cela implique notamment de prendre des mesures immédiates pour lutter contre le féminicide, la violence obstétricale et l’inaccessibilité à des soins d’avortement sûrs et légaux.
Betty Kabari est chercheuse sur les droits des femmes à Human Rights Watch.
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