Le tabac tue, personne ne l’ignore aujourd’hui. Huit millions de personnes en meurent chaque année, 75 000 en France. Un consommateur sur deux finira par succomber des suites de l’addiction à la nicotine, selon un rapport de l’OMS publié en 2019. Sauf que les ravages de cette industrie mortifère ne s’arrêtent pas là.
C’est ce qu’a voulu rappeler l’organisation Alliance contre le tabac (ACT), qui fédère depuis sa création en 1991 l’ensemble des acteurs de la lutte contre ce fléau, en lançant mercredi 31 juillet une grande campagne baptisée « JO 2024, les records de la honte ».
« Pas un problème individuel, mais un problème social massif »
Que le comité d’organisation des Jeux se rassure : ce n’est pas lui qui est dans le viseur de l’ACT, mais bien les industriels du tabac, qui « accumulent des records plus indignes les uns que les autres ». « Décès prématurés, pollution des sols et des océans, creusement des inégalités sociales et de santé… Ce sont autant de records honteux dont le grand public n’a pas conscience, explique Marion Catellin, la directrice de l’ACT. En prônant des valeurs communes à la lutte contre le tabagisme – telles que le respect, le partage ou la santé – Paris 2024 est la compétition sportive adéquate pour remettre ce sujet sur la table. »
La campagne se déclinera sous forme d’affiches dans le métro ou les abribus, à Paris comme dans neuf grandes villes de province, mais aussi sur les réseaux sociaux (X, TikTok, YouTube…) où le personnage fictif de Nick O’Tine, costard cravate sur le dos, tentera ironiquement de défendre ses amis, les grands cigarettiers que sont Philip Morris (44 % du marché français), Japan Tobacco (24 %), Seita Imperial Brands (16,5 %) et British American Tobacco (15 %).
« Au-delà de la blague avec ce personnage imaginaire et sans scrupule de Nick O’Tine, notre but est de montrer que le tabac n’est pas un problème individuel, mais bien un problème social, et un problème massif. C’est une industrie qui fait des profits énormes sur la mort », pointe Astrid Billard, chargée de la communication à l’ACT.
Un coût social estimé à 156 milliards d’euros par an en France
Chaque année, les quatre géants de la clope engrangent pas moins de 51 milliards d’euros de bénéfices dans le monde, avance la Fédération. Un business profitable pour les finances publiques, via les taxes imposées aux cigarettiers ? « Pas du tout, rétorque Astrid Billard. Certes, l’État français perçoit chaque année 16 milliards d’euros de recettes fiscales liées au tabac. Mais son coût social s’élève à 156 milliards d’euros par an, avec la prise en charge des traitements médicamenteux, les arrêts de travail, les dépenses de prévention ou la perte de productivité des entreprises. » Le calcul est vite fait…
Pour les fumeurs, la facture pèse aussi bien lourd : 2 784 euros par an en moyenne, selon une estimation des douanes. Une ponction qui frappe d’abord les plus vulnérables et les moins aisés, puisque « la prévalence du tabagisme quotidien est deux fois plus élevée parmi le tiers de la population aux revenus les plus bas, comparé à ceux ayant des revenus élevés », rappelle l’ACT.
Les enfants, premières victimes de ce fléau
En termes de droits humains, le tableau est tout aussi noir, avec 1,3 million d’enfants travaillant dans les champs de tabac, selon une estimation de l’Organisation internationale du travail, datant de 2017. « Au-delà de priver ces enfants de leur scolarité et de leur jeunesse, ce travail dans les plantations les expose à la ‘maladie du tabac vert’, une intoxication liée à l’absorption de la nicotine par la peau pouvant provoquer des nausées, vomissements, vertiges, crampes abdominales, etc, » écrit l’ACT. Qui souligne qu’à l’autre bout de la chaîne, les enfants sont les cibles prioritaires des industriels, qui tentent de les attirer en leur proposant des produits de plus en plus diversifiés : puffs, vapes, sachets de nicotine…
« Plus le cerveau est exposé tôt, plus le risque d’addiction est élevé, rappelle Astrid Billard. Et 90 % des fumeurs réguliers le deviennent avant 18 ans. C’est pourquoi les géants du tabac incitent fortement les buralistes, en sous-main, à ne pas respecter l’interdiction de vente aux mineurs. »
4 500 milliards de mégots jetés dans la nature chaque année
Enfin, si les cigarettiers tentent depuis plusieurs années de « verdir » leur image, en proposant filtres soi-disant « biodégradables » et autres collectes de mégots sur les plages, le passif environnemental de cette industrie reste abyssal. « Chaque année, 4 500 milliards de mégots sont jetés dans la nature, contaminant sols et eaux avec plus de 7 000 produits toxiques tels que l’arsenic, le mercure et l’ammoniaque », accuse l’Alliance contre le tabac. Qui souligne que la culture de ce produit est aussi responsable de 5 % de la déforestation mondiale, du gaspillage annuel de 22 milliards de tonnes d’eau et de la pollution des nappes phréatiques et cours d’eau, pas l’utilisation massive de pesticides.
Au-delà du constat, l’ACT met en avant une mesure principale pour tenter de mettre fin aux « exploits » coûteux des « Big Four » : la « décommercialisation des produits du tabac et de la nicotine pour les jeunes nés à partir de 2014 », afin d’atteindre en 2032 la première « génération sans tabac ».
« Ce n’est pas utopique, assure Astrid Billard. Au Royaume-Uni, un projet de loi est en cours d’adoption, qui interdira totalement la vente de cigarettes aux résidents nés après le 1er janvier 2009. » Lors de la dernière présidentielle en France, l’ACT avait soumis sa proposition à l’ensemble des candidats, sans succès. L’organisation promet de la remettre sur la table d’ici 2027.
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