« Les petits ruisseaux font les grandes rivières », avait martelé Bruno Le Maire, en avril dernier, dans l’espoir de faire passer la potion amère de sa série de restrictions budgétaires menées ces derniers mois à marche forcée. Le message du ministre de l’Économie ne semble manifestement pas avoir franchi les cloisons de l’Élysée, dont les dépenses ont explosé en 2023, si l’on en croit le rapport annuel sur les comptes de la présidence de la République dévoilé ce lundi 29 juillet par la Cour des comptes.
Ces dépenses évaluées à 124,2 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de 9,6 % (+ 10,9 millions d’euros) par rapport à l’année précédente, auraient creusé un déficit de 8,3 millions d’euros pour l’exercice 2023 (alors qu’il était excédentaire de 300 000 euros en 2022). Une situation financière « dégradée » qui, selon la Haute juridiction financière, devrait appeler « à la vigilance » et imposer « des efforts significatifs » « afin de rétablir et pérenniser l’équilibre financier de la Présidence », en 2024.
Frénésie de déplacements coûteux
Si l’inflation à l’échelle mondiale n’est pas étrangère à cette flambée, les magistrats financiers pointent avant tout le coût des déplacements du chef de l’État et, dans une moindre mesure, les frais de réception et de dîners officiels. L’ambition de trouver quelques « ruisseaux » d’économies ne semble, à cet égard, clairement pas avoir été la préoccupation première sur ces deux postes de dépenses, qui auraient fait plonger dans le rouge les comptes de la présidence.
Les déplacements et les transports, d’abord. Leur coût aurait excédé de 7 millions d’euros le budget prévisionnel. La Cour des comptes, bien qu’elle concède de la part de l’Élysée une « réelle attention au sujet de contenir les dépenses » et souligne par ailleurs le poids de l’inflation comme facteur significatif, n’en pointe pas moins les failles internes à l’origine de ces dérapages, qui ont fait bondir, en sept ans de présidence macroniste, le coût moyen d’un déplacement présidentiel de 125 000 à 207 000 euros.
En cause : la frénésie de ces voyages officiels, dont le chef de l’État, soucieux « d’occuper le terrain », aurait fait un usage immodéré en 2023, après avoir dû dans un premier temps se tenir à une certaine réserve entre les quatre murs du palais présidentiel pour éviter le contact avec la vaste mobilisation populaire contre la réforme des retraites, qui avait marqué les premiers mois de l’année.
Délégations pléthoriques
En juin dernier, la visite de trois jours à Marseille (Bouches-du-Rhône) à travers laquelle le chef de l’État avait tenté, en lançant la seconde étape de son plan « Marseille en grand », de reprendre la main aura ainsi coûté pas moins de 342 828 euros à l’État, un budget « particulièrement onéreux » selon la Cour des comptes, qui pointe des délégations pléthoriques et le manque « d’anticipation » occasionnant notamment des annulations de dernière minute. Et tant pis pour les frais déjà engagés.
Selon les magistrats, le bilan financier des déplacements internationaux ferait « apparaître la difficulté à établir les coûts prévisionnels des voyages ». Ils en veulent notamment pour preuve le déplacement en Chine du chef de l’État, en avril 2023, qui se serait ainsi avéré « 40 % plus onéreux que prévu ».
« La multiplication des changements de dernière minute et des annulations sont génératrices de désorganisation et de coûts. Si les fluctuations de l’agenda présidentiel sont inévitables, de l’aveu général, l’anticipation de la prise de décision est un axe d’amélioration majeur », ajoute le rapport de la Haute juridiction.
474 851 euros pour la réception en l’honneur de Charles III
Si elles arrivent en seconde place comme facteurs à l’origine de cette explosion des dépenses, les réceptions organisées par l’Élysée n’en demeurent pas moins spectaculaires par leur télescopage avec la cure générale d’austérité imposée au pays.
Particulièrement médiatisée, la réception organisée en l’honneur du roi d’Angleterre Charles III, en septembre 2023, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, avait particulièrement marqué les esprits par son faste, alimentant toutes les spéculations sur le coût d’une telle débauche de luxe. La réponse est dans le rapport : la note s’est élevée à 474 851 euros – dont plus de 42 000 euros ont par exemple été dépensés uniquement pour le vin -, soit un peu plus que le « dîner d’État » en l’honneur du premier ministre indien Narendra Modi, le 14 juillet 2023, au musée du Louvre, qui a coûté 412 366 euros.
Interrogé par Mediapart, l’Élysée a affirmé s’engager à tenir compte « des remarques de la Cour pour améliorer son organisation et ses dispositifs internes », et rester « mobilisé pour gérer avec efficacité son budget dans un contexte d’une part inflationniste et d’autre part géopolitique et politique qui influence l’agenda de l’exécutif ».
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